Dans une usine Volkswagen, à Wolfsburg, en Allemagne, en 2015. / ODD ANDERSEN / AFP

Des dizaines d’heures de négociation, ces dernières semaines, auront été nécessaires. Le Conseil et le Parlement européens ont réussi, lundi 17 décembre au soir, à s’entendre sur un texte essentiel fixant les objectifs européens de réduction des émissions de dioxyde de carbone (CO2) des voitures dans l’Union.

Et si le compromis risque de décevoir les ONG environnementales, il va quand même bien au-delà de la proposition initiale de la Commission européenne, jugée anormalement peu ambitieuse. Il était en tout cas urgent que l’Union européenne (UE) adopte un texte commun, les émissions des voitures représentant 12 % des émissions totales de CO2 en Europe.

Selon le règlement finalement agréé lundi, les voitures neuves issues des usines des constructeurs installés dans l’UE devront avoir réduit leurs émissions de CO2 de 15 % d’ici 2025 et de 37,5 % d’ici 2030, par rapport à leur niveau de 2021. Le Parlement visait lui, une réduction de 40 % d’ici 2030. Mais la Commission, dans une proposition de règlement datant de novembre 2017, ne tablait que sur 30 % de réductions en 2030.

En octobre dernier, à l’issue d’un conseil des ministres de l’environnement particulièrement tendu, l’Allemagne, parmi les Etats les plus réticents, avait pesé de tout son poids et limité l’ambition collective du Conseil à des réductions de 35 % en 2030. 17 pays membres, dont la France, mais surtout les Pays-Bas, poussaient pourtant pour s’aligner sur les objectifs du Parlement européen. Les deux institutions ont finalement coupé la poire en deux, lundi.

« Il s’agit d’une étape importante dans notre combat contre le réchauffement climatique », s’est félicitée Elisabeth Köstinger, la ministre de l’environnement autrichienne, qui a mené toutes les négociations, son pays assurant la présidence de l’UE jusqu’à fin 2018.

L’idée des malus abandonnée

Le compromis ne retient cependant pas l’idée du Parlement d’imposer des malus pour les constructeurs ratant les cibles de 2025 et de 2030. Il introduit au contraire un système de bonus pour les constructeurs augmentant plus sensiblement que d’autres leurs parcs de véhicules électriques. Mais ces bonus auraient été limités : certains au Conseil plaidaient pour qu’ils exemptent en partie les constructeurs de leurs objectifs de réduction du CO2 pour les voitures à moteur conventionnel.

Monique Goyens, la directrice générale du BEUC (Bureau européen des unions de consommateurs), a salué lundi soir un accord qui « devrait pousser les constructeurs à produire davantage de véhicules électriques. (…) Ce n’est que quand l’offre de véhicules à faibles émissions aura augmenté que les consommateurs pourront faire un choix éclairé entre voitures électriques, hybrides ou à moteur conventionnel moins émetteur. ».

Greg Archer, directeur de l’ONG bruxelloise Transport et Environnement, était un peu plus réservé :

« L’Europe passe à la vitesse supérieure dans la course à la fabrication de véhicules à zéro émissions. Cette nouvelle réglementation signifie qu’en 2030, environ un tiers des véhicules neufs seront électriques ou à hydrogène. C’est un progrès mais pas assez rapide pour tenir nos engagements climatiques. »

« Cette négociation a été prise en otage par les constructeurs »

Franchement négative, la Verte Karima Delli, présidente de la commission transports du Parlement de Strasbourg, estimait, elle, que « de bout en bout, cette négociation a été prise en otage par les constructeurs et leurs représentants au Conseil ». « Malgré la pression, le Parlement a réussi à obtenir une nette amélioration par rapport à la proposition initiale de la Commission et à atténuer les nombreuses failles introduites dans le système par les États membres, s’est félicitée la députée européenne. Mais il ne faut pas se leurrer, on est encore très loin du compte si l’on se réfère aux engagements pris dans l’accord de Paris. Ce déni de la réalité climatique entretenu par nos dirigeants est insoutenable. »

Avant d’entrer immédiatement en force, une fois publié au journal officiel de l’UE, ce nouveau règlement doit quand même, une dernière fois, être agréé par le Conseil et le Parlement. Il s’agit en général d’une formalité, les négociateurs pour les deux institutions ayant disposé de mandats clairs pour discuter. Mais les experts restaient prudents lundi soir, étant donné la sensibilité du texte.

Pour que sa boîte à outils soit complète, l’Europe devra encore se doter, dans les mois qui viennent, d’un règlement limitant les émissions de CO2 des camions : ces derniers peuvent aujourd’hui émettre sans aucun contrôle communautaire ! Le Parlement européen a arrêté sa position mi-novembre (moins 35 % d’ici 2030). Reste au Conseil à choisir sa ligne – ce devrait être fait d’ici cette fin 2018 –, avant que les deux institutions n’entament leurs négociations terminales.