Le chancelier autrichien Sebastian Kurz et le premier ministre israélien Benyamin Nétanyahou, le 11 juin à Jérusalem. / AMMAR AWAD / AFP

Pour l’instant, les efforts ne paient pas. Au sujet de l’antisémitisme, le gouvernement autrichien de coalition entre la droite et l’extrême droite a beau donner des gages, l’exécutif israélien maintient sa défiance envers les ministres nommés par le FPÖ (Parti de la liberté d’Autriche), une formation dont certains fondateurs étaient d’anciens nazis. Même si le vice-chancelier FPÖ Heinz-Christian Strache a proposé, après Donald Trump, de déplacer l’ambassade autrichienne de Tel-Aviv à Jérusalem, le mot d’ordre reste le même : pas de contact officiel de l’Etat d’Israël avec l’extrême droite autrichienne.

Le chancelier conservateur Sebastian Kurz a pourtant fait de la lutte contre l’antisémitisme l’une des priorités de son gouvernement et de la présidence autrichienne du Conseil de l’Union européenne, ce semestre. Il a œuvré pour la mise en place d’une définition internationale de l’antisémitisme, organisant une conférence sur le sujet à Vienne en novembre, à laquelle le premier ministre Benyamin Nétanyahou avait promis de participer, avant de se faire porter pâle. En visite en Israël, M. Kurz avait aussi élevé le soutien à l’Etat hébreu au rang de « raison d’Etat » pour l’Autriche, allant jusqu’à envoyer son ambassadeur à l’inauguration très controversée de l’ambassade américaine dans la Ville sainte.

Prise de distance « pas encore assez crédible »

Las, sa complaisance à l’égard du FPÖ a été dénoncée à maintes reprises en parallèle, durant cette première année de coalition. Herbert Kickl, le ministre FPÖ de l’intérieur (connu pour avoir été l’ancienne plume du tribun Jörg Haider, qui vantait la politique de l’emploi du IIIe Reich) a suscité l’indignation en affirmant qu’il désirait regrouper les demandeurs d’asile de manière « concentrée ». Interrogé par la télévision publique, l’ORF, le 20 novembre, Ariel Muzicant, le vice-président du Congrès juif européen, a donc estimé qu’il était encore « trop tôt » pour que son organisation lève le boycottage dont le FPÖ fait l’objet. Selon lui, « la prise de distance » effectuée par l’extrême droite autrichienne avec l’antisémitisme « n’est pas encore assez crédible ».

S’il observe des gestes de bonne volonté de la part de M. Strache, il a des doutes sur « toute l’équipe qu’il y a derrière », parlant de la « multitude de cas isolés » ayant suscité la polémique, depuis l’arrivée au pouvoir du FPÖ grâce aux conservateurs, fin 2017. Début décembre, le quotidien Der Standard a recensé, rien que pour l’année 2018, 50 prises de parole racistes ou antisémites émanant de la classe politique. Quarante-six d’entre elles avaient été prononcées par des élus ou des cadres du FPÖ. Or, le chancelier les « ignore », selon Willi Mernyi, le représentant de l’association des déportés du camp de Mauthausen. Ronald S. Lauder, le président du Congrès juif mondial, a lui-même jeté un pavé dans la mare fin novembre, au cours d’un entretien accordé à l’hebdomadaire Profil. Il s’est dit inquiet du pouvoir qu’avait offert Sebastian Kurz à l’extrême droite, en lui ouvrant les portes des ministères : « Le chancelier peut-il encore contrôler le FPÖ ? J’en doute ».