Fleur Pellerin, alors ministre de la culture, le 21 juin 2015 à Paris. / KENZO TRIBOUILLARD/AFP

L’ancienne ministre de la culture Fleur Pellerin, reconvertie dans le privé, est soupçonnée de « prise illégale d’intérêts » pour avoir noué des contrats avec la société Naver Corp, un géant sud-coréen du Web qui fut l’un de ses interlocuteurs lorsqu’elle était au gouvernement, selon un rapport administratif publié mercredi 19 décembre au Journal officiel (JO).

Dans ce rapport, la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP), qui a transmis un signalement au parquet, estime que Fleur Pellerin a « méconnu [ses] réserves en prenant pour client une entreprise privée avec laquelle elle avait conclu un contrat ou formulé un avis sur un contrat » dans le cadre de ses fonctions gouvernementales.

200 millions d’euros levés auprès d’un groupe sud-coréen

Fleur Pellerin, aujourd’hui à la tête de la société d’investissements Korelya Consulting qu’elle a fondée, gérait depuis septembre 2016 un fonds « intégralement doté par la société Naver Corp », rappelle d’abord la HATVP.

Or la Haute Autorité s’est aperçue que Fleur Pellerin, qui fut ministre de la culture de fin août 2014 à février 2016, avait signé, quand elle était encore au gouvernement, une « lettre d’intention » avec Naver Corp le 4 novembre 2015 en vue de la diffusion de contenus vidéos sur les événements de l’année France-Corée.

Puis l’Institut français de Corée du Sud et Naver Corp avaient conclu « une convention de partenariat » le 17 mars 2016, à une date où Fleur Pellerin n’était plus en fonction. Selon des médias, Korelya Consulting a levé un total de 200 millions d’euros en 2016-2017 auprès du groupe sud-coréen, qui gère le premier moteur de recherche local.

C’est en vertu de la loi sur la transparence de la vie publique du 11 octobre 2013, qui a élargi ses pouvoirs, que la HATVP s’est penchée sur les activités de l’ancienne ministre. Cette autorité indépendante est chargée de contrôler pendant trois ans les reconversions dans le privé d’anciens responsables publics, qualifiées de « pantouflage ».

Lettre ou contrat ?

A ce titre, Fleur Pellerin avait saisi la HATVP le 9 juin 2016, quelques mois après son départ du gouvernement, pour que cette dernière se prononce sur d’éventuelles difficultés déontologiques autour de la création de Korelya Consulting, société destinée à accompagner des investissements dans les start-up digitales en Europe.

Le 21 juillet 2016, la HATVP avait bien émis un « avis de compatibilité » mais « sous réserve d’un certain nombre de précautions visant à prévenir l’infraction de prise illégale d’intérêts ».

Concrètement, Korelya Consulting ne pouvait pas « jusqu’au 11 février 2019 » fournir des prestations à des entreprises qui « ont bénéficié » d’aides financières ou de décisions de la part du ministère de la culture et de la communication ou « conclu des contrats » avec ses services. Et ce sur la période où Fleur Pellerin dirigeait ce ministère, soit entre le 26 août 2014 et le 11 février 2016.

Invitée à s’expliquer, l’ancienne ministre a répondu en mai que la lettre d’intention évoquée par la HATVP ne pouvait être assimilée à un contrat.