L’avis du « Monde » – à voir

S’il est deux qualités dont le cinéma de Mia Hansen-Love ne se départ pas, ce sont l’élégance et la pudeur. Deux qualités que la cinéaste a mises en place dès son premier film (Tout est pardonné, 2007) et qu’elle a su reconduire dans Le Père de mes ­enfants (2009), Un amour de jeunesse (2011), L’Avenir (2016), à travers des récits de ruptures douloureuses, amoureuses et familiales.

Son nouveau long-métrage, Maya, ne déroge pas à cette écriture sensible et discrète que garantit la mise à distance du sujet et de l’étude psychologique des personnages. Une grâce qui permet de suggérer et non d’imposer, de laisser sa part au spectateur, la place qui lui convient d’occuper pour s’identifier à l’endroit où il veut. Sur ce point, Maya ouvre plusieurs pistes, avec une remarquable retenue dont la vertu est d’empêcher de nous y égarer.

Lire le portrait (dans « M ») : Roman Kolinka joue entre l’ombre et la lumière

La beauté du film – et sa délicatesse – tient à cet équilibre qui le préserve des débordements auxquels son histoire l’expose. L’histoire justement. Elle est celle d’un jeune reporter de guerre, Gabriel (Roman Kolinka), qui, après quatre mois de captivité en Syrie, s’apprête à rentrer en France, avec son confrère et compagnon d’infortune, Frédéric (Alex Descas). Dans une chambre d’hôtel impersonnelle, on le voit se préparer avec application, se couper et se raser la barbe, choisir ses vêtements. Rien ne laisse soupçonner le traumatisme subi. Il ne transparaît pas non plus à l’arrivée, sur le tarmac de l’aéroport parisien où l’attendent journalistes, politiques et proches. Ni encore lors de l’examen médical ou de la consultation psychologique dont il affirme d’ailleurs ne pas avoir besoin.

Les séquelles de l’enfermement

Il ne se dit pas grand-chose des séquelles de l’enfermement. Tout juste sont-elles imaginables quand, un matin, Gabriel se réveille en larmes auprès de son ex-petite amie, dont il s’était séparé avant son départ pour la Syrie et qu’il quitte, cette fois, pour de bon. Et peut-être aussi quand il décide de faire une pause de plusieurs mois, loin de son environnement, en Inde, où il a grandi jusqu’à l’âge de 7 ans et où sa mère vit encore.

L’arrivée à Goa lance la seconde partie du film qui, à l’instar du personnage, laisse derrière lui l’épisode qui l’y a conduit. La captivité ne sera plus jamais évoquée. La question étant désormais la parenthèse que s’accorde Gabriel, non tant pour guérir que pour réinvestir le présent. En Inde, il se met à l’écart d’un métier qui l’a toujours conduit sur des terrains en guerre pour réapprendre l’immobilité et le goût des petits riens.

Gabriel et Maya laissent venir un abandon au creux duquel éclosent les émotions

Dans ce pays qui n’a rien de plus sensationnel à lui offrir que la douceur de son quotidien, Gabriel rencontre Maya (Aarshi Banerjee), la fille d’amis de ses parents, à peine sortie de l’enfance dont son visage porte encore les rondeurs. Mais jeune femme néanmoins, noble et pleine d’une sensualité qu’elle ignore, héritière de la culture de son pays et inscrite dans sa modernité. Au fil des jours qui passent, Gabriel et Maya laissent venir un abandon au creux duquel éclosent les émotions. Imperceptiblement, dans cette hésitation qui accompagne le moment de se séparer, dans des regards qui demeurent accrochés l’un à l’autre plus longtemps qu’ils ne le devraient, un amour naît qu’ils accueillent avec une infinie délicatesse. Gabriel cédant à ce qu’il sait impossible, puisqu’il va repartir, Maya succombant à une passion qui lui ressemble, pure et entière.

Avec Maya, Mia Hansen-Love dit avoir souhaité « replacer le corps au centre du film », afin de réparer le vide qu’avait laissé en elle L’Avenir, son précédent long-métrage où l’héroïne renonce à l’amour. Ce désir, qui l’a conduite en Inde, lui a permis de donner chair à des sentiments heureux. Le voyage accompli – et rapporté sans aucune nuance d’exotisme – porte l’empreinte du frémissement qui ranime le souffle. Et Maya, celle d’une embellie qui pousse vers la vie.

MAYA bande annonce officielle
Durée : 01:44

Film français de Mia Hansen-Love. Avec Roman Kolinka, Aarshi Banerjee, Alex Descas (1 h 47). Sur le Web : www.filmsdulosange.fr/fr/film/247/maya