Le groupe Suez aura un nouveau patron opérationnel en juin. Réuni jeudi 20 décembre, le conseil d’administration du numéro 2 mondial des services aux collectivités (eaux, déchets…) doit nommer Bertrand Camus, 51 ans, au poste de directeur général. Ingénieur des Ponts et chaussées, il remplacera Jean-Louis Chaussade, patron du groupe depuis 2008, qui sera atteint par la limite d’âge statutaire à l’issue de son mandat. Gérard Mestrallet, président de Suez jusqu’en mai, soutiendra ce choix, qui a fait l’unanimité des quatre membres du comité des nominations et de la gouvernance présidé par Anne Lauvergeon, ex-dirigeante d’Areva.

Cette nomination aurait pu être compliquée, voire entravée, par Engie, premier actionnaire de Suez avec 32 % du capital. Il n’en a rien été : le groupe dirigé par Isabelle Kocher semble observer une neutralité bienveillante à l’égard d’une entreprise dont elle vient de décider de rester l’actionnaire de référence. Au moins jusqu’en juin, quand la nouvelle gouvernance sera aux commandes (président et directeur général).

C’est finalement un candidat interne qui a séduit. Et, comme souvent, pas celui qui semblait tenir la corde. Le nom de Marie-Ange Debon, diplômée de HEC et ancienne élève de l’ENA, était le plus cité. La feuille de route de M. Camus, qualifiée de « très ambitieuse » par une source proche du dossier, a davantage séduit que le projet de la patronne des activités en France.

Une solide réputation d’industriel

M. Camus était aussi plus ancien dans l’entreprise, où il est entré en 1994, et il était précédé d’une solide réputation d’industriel doté d’une bonne expérience de l’international. Deux atouts, au moment où Suez entend se projeter toujours plus sur les marchés étrangers et se renforce sur le segment des gros clients industriels, comme l’illustre le rachat de GE Water en 2017 pour 3,2 milliards d’euros.

MM.Mestrallet et Chaussade privilégiaient visiblement une candidature interne, signe qu’une entreprise peut nourrir en son sein des dirigeants capables d’accéder aux plus hautes responsabilités. Les administrateurs de Suez avaient tout de même mandaté un cabinet de chasseurs de têtes pour trouver un candidat à l’extérieur.

Ancien numéro 2 bis de Total avec Patrick Pouyanné, finalement choisi en 2014 comme PDG de la compagnie pétrolière au lendemain de la mort accidentelle de Christophe de Margerie, Philippe Boisseau a été approché, sans être retenu.

Un nouveau président d’ici à fin février

Jérôme Pécresse, patron de la division mondiale des énergies renouvelables de l’américain General Electric, a été lui aussi auditionné. Un bon profil, même s’il ne connaît pas la « maison ». Il a été écarté en raison des fonctions de son épouse, Valérie Pécresse, présidente de la région Ile-de-France. Si cette collectivité ne lance pas elle-même d’appels d’offres pour la gestion de l’eau et des déchets, sa proximité avec les syndicats intercommunaux aurait inévitablement suscité soupçons et critiques sur de possibles conflits d’intérêts avec Suez.

Reste à trouver le futur président de Suez. Figure historique de l’entreprise, M. Mestrallet doit en effet quitter ses fonctions en mai, lui aussi atteint par la limite d’âge statutaire. Le nom de son successeur fait déjà l’objet de tractations en coulisses. Il semble qu’Engie ait renoncé à proposer la candidature de son secrétaire général, Pierre Mongin, ancien PDG de la RATP, tout en rejetant celle de M. Chaussade, aux relations sans aménité avec Mme Kocher.

Si les dirigeants d’Engie ne veulent pas monter dans Suez, voire envisagent de céder tout ou partie des 32 % qu’ils possèdent, on les voit mal faire la pluie et le beau temps dans une société où ils ont peu de pouvoirs. Le successeur de M. Mestrallet sera désigné d’ici à la fin de février.