La salle du conseil municipal de Marseille, le 20 décembre. / GERARD JULIEN / AFP

Jean-Claude Gaudin l’a assuré à deux reprises, les huit victimes de la rue d’Aubagne « [le] hanteront toujours ». Mais dans le long débat qui a occupé plus de trois heures un conseil municipal pesant, jeudi 20 décembre, le maire Les Républicains (LR) de Marseille n’a pas souhaité endosser une quelconque part de responsabilité. « A ce jour, les causes de l’effondrement ne sont pas connues (…). Et personne ne peut, ni ne doit, préjuger des conclusions de l’enquête », a prévenu l’élu, qui assure avoir fait « face dans la tempête, avec la charge considérable du capitaine qui doit remplir sa mission ».

Initialement prévu le 10 décembre, ce premier conseil municipal suivant le drame était plus qu’attendu, alors qu’une crise majeure – 200 bâtiments évacués, 1 600 personnes délogées – submerge toujours la ville. Mais loin des manifestations de masse qui, à intervalles réguliers, demandent la démission du maire, seules quelque centaines de personnes sont venues sur le Vieux-Port pour exprimer leur colère. Un vaste réseau de barrières, doublé du déploiement de CRS et de policiers municipaux, éloignait hermétiquement un conseil municipal calfeutré dans son hémicycle souterrain, de toute contestation populaire. Plusieurs militants de collectifs citoyens se sont également vus interdire l’accès à la tribune publique de l’assemblée, pourtant en partie vide.

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Au son de la « Marche funèbre »

Au moment où Jean-Claude Gaudin ouvre la séance, en demandant aux élus, quarante-cinq jours après le drame, une minute de silence, à l’extérieur, les manifestants se recueillent devant les silhouettes de huit cercueils, au son de la Marche funèbre jouée par quelques musiciens. L’émotion n’est pas la même. Et comme pour retarder encore l’échéance des attaques contre sa politique, le maire de Marseille se lance dans un long préambule. Un rappel, point par point des actions entreprises par ses équipes pour aider les sinistrés, doublé d’un hommage appuyé à l’engagement de ses adjoints et des marins-pompiers de Marseille.

En « urgence », il fait voter neuf rapports sur le drame de la rue d’Aubagne. Certains primordiaux, comme le remboursement des frais d’obsèques aux familles des victimes, d’autres, comme l’annulation des amendes de retard dans les bibliothèques pour les personnes évacuées, nettement moins essentiels. « Pour qu’ils partent vite au contrôle de légalité », explique-t-il alors, soudain pressé d’officialiser des mesures d’accompagnement attendues depuis plusieurs semaines. L’instauration d’un permis de louer ou l’utilisation de la réquisition d’appartements vides pour reloger les personnes déplacées, réclamées par les associations impliquées dans la crise et certains élus d’opposition, sont, elles, éludées et reportées à d’autres débats.

Au moment où Jean-Claude Gaudin ouvre la séance, en demandant aux élus, quarante-cinq jours après le drame, une minute de silence, à l’extérieur, les manifestants se recueillent devant les silhouettes de huit cercueils. / GERARD JULIEN / AFP

Dans une ambiance lourde, les élus d’opposition, de gauche comme d’extrême droite, vont répondre par des discours sévères. « Où étiez-vous, Monsieur le maire ? Où étiez-vous avant le drame, mais aussi après, quand il s’agissait de se démener tous azimuts ? », interroge le communiste Jean-Marc Coppola, prenant le temps de citer un à un les prénoms des huit victimes « terrassées, par ce qui est tout, sauf le fruit du hasard ». Pour cet ancien vice-président de la Région, la catastrophe de la rue d’Aubagne découle « d’années de choix politique ».

« Vous avez préféré le logement pour spéculer au logement pour habiter », complète le président du groupe socialiste, Benoît Payan, alors que sa voisine de tribune, la sénatrice Samia Ghali s’étouffe à l’étrange idée, formulée par Jean-Claude Gaudin de demander au gouvernement la reconnaissance de « l’état de catastrophe naturelle » : « Une catastrophe naturelle ? C’est être dans le déni de ce qui s’est passé à Marseille », s’émeut-elle.

La succession à Jean-Gaudin Gaudin

Stéphane Ravier, responsable marseillais du Rassemblement national, renvoie, lui, la majorité gaudiniste et les élus de gauche à une « responsabilité globale ». Candidat déclaré aux municipales de 2020, le sénateur pointe, au-delà de Jean-Claude Gaudin, les autres élus LR « qui voudraient nous faire croire qu’ils sont l’incarnation de l’innocence dans ce désastre global » : « Si le capitaine a mal barré, aucun de ses lieutenants ne l’a alerté », clame-t-il, visant d’un même trait la présidente LR de la métropole et du département, Martine Vassal, et le sénateur Bruno Gilles, candidat, lui aussi, à la mairie.

Car si l’heure est au bilan des quatre mandats Gaudin et de l’échec de sa politique de lutte contre le logement indigne, le dernier conseil municipal de l’année 2018 porte les prémices de la future campagne électorale de 2020. Longtemps muets, Martine Vassal et Bruno Gilles, potentiels rivaux pour à la tête de la droite marseillaise, ont attendu la fin des débats et du flot de critiques pour prendre la parole. Chacun a souhaité incarner l’avenir.

Mme Vassal évoquant son plan de lutte contre l’habitat indigne, doté d’une enveloppe de 640 millions d’euros et financé à la fois par le département, la métropole et l’Etat ; M. Gilles égrenant, lui, ses propositions au niveau national. Un Bruno Gilles qui aura été le seul à droite à fendiller le système de défense municipal, en évoquant une « responsabilité collective » : « Il ne s’agit pas de nier notre part d’erreur. Il est clair qu’aujourd’hui, collectivement, nous n’avons pas fait assez, pas assez bien, pas assez vite. Il doit y avoir un “après rue d’Aubagne” », a-t-il déclaré. Elu depuis 1995 dans la majorité Gaudin, le président de la fédération LR des Bouches-du-Rhône aura toutefois du mal à éviter le poids du bilan.