Manifestation de « gilets jaunes » à Bordeaux, le 22 décembre 2018. / NICOLAS TUCAT / AFP

A trois jours de Noël, les « gilets jaunes » comptaient de nouveau mobiliser leurs troupes dans toute la France pour un sixième samedi d’affilée de manifestations. Mais la fronde marque le pas.

  • Mobilisation en baisse

Le ministère de l’intérieur comptabilisait 38 600 manifestants à travers le pays à 18 heures, contre 66 000 le 15 décembre. Depuis le pic du 17 novembre et les 282 000 manifestants recensés, la mobilisation est en baisse. Ils étaient 166 000 « gilets jaunes » à manifester le 24 novembre et 136 000 les 1er et 8 décembre.

A Paris, pour ce sixième samedi consécutif de mobilisation, la préfecture dénombrait 2 000 manifestants vers 18 heures, contre près de 4 000 à son maximum samedi dernier.

Situation calme à Versailles, où plusieurs milliers de personnes s’étaient déclarées « intéressées » par une manifestation organisée sur l’avenue de Paris, juste en face du château. Une soixantaine de « gilets jaunes » seulement se trouvaient sur l’avenue vers midi, au milieu d’un important dispositif policier, selon l’Agence France-presse (AFP). Par crainte de débordements, le domaine et le château de Versailles avaient été fermés « de manière préventive ».

Quelque 2 600 « gilets jaunes » ont défilé à Bordeaux et 2 500 à Toulouse, selon les préfectures. Une mobilisation conséquente mais inférieure aux 4 500 manifestants comptabilisés samedi dernier dans ces deux villes, en pointe depuis le début du mouvement.

Environ 1 000 « gilets jaunes » ont manifesté à Lille dans l’après-midi, chantant la Marseillaise et scandant « Macron démission ! ». Ils étaient 500 à Nantes selon la préfecture, dans un calme « relatif ». A Rennes, une importante opération escargot était en cours en début de soirée.

Quelque 80 « gilets jaunes » se sont rassemblés samedi midi devant la maison de Brigitte et d’Emmanuel Macron au Touquet, selon la préfecture du Pas-de-Calais. Les forces de l’ordre ont fait usage de gaz lacrymogènes contre des manifestants qui tentaient de forcer le dispositif policier.

La veille au soir, un pantin à l’effigie du président a été décapité lors d’une manifestation à Angoulême, une « mise en scène macabre » qui a été signalée au parquet, a annoncé samedi la préfecture de Charente. Ces faits « portent gravement atteinte tant à la personne qu’à la fonction du président de la République » et sont « susceptibles d’être qualifiés pénalement », précise-t-elle dans un communiqué.

Jeudi, le ministère de l’intérieur avait décompté 3 680 « gilets jaunes », soit l’étiage le plus bas depuis le début de ce mouvement né en réaction à une hausse prévue des taxes sur les carburants – que le gouvernement a depuis annulée.

  • 220 interpellations

Sur l’ensemble du territoire, 220 personnes ont été interpellées, dont 81 placées en garde à vue, selon la police. Les interpellations ont concerné 142 personnes dans la capitale, dont dix-neuf en garde à vue, la plupart pour des « attroupements en vue de commettre des violences ». Pour rappel, en amont des mobilisations du 8 décembre, les forces de l’ordre avaient réalisé près de 1 500 gardes à vue en une journée, un record.

Parmi les gardés à vue de ce samedi figure l’un des porte-voix des « gilets jaunes », Eric Drouet, 33 ans. Il a été arrêté peu après 14 heures rue Vignon, dans le quartier de la Madeleine, au milieu de quelques dizaines de manifestants. Ce chauffeur routier de Melun (Seine-et-Marne) avait contribué à lancer la mobilisation contre la hausse des carburants en novembre. C’est aussi lui qui avait appelé à manifester à Versailles ce samedi, avant de lancer sur Facebook dans la matinée un appel à se rassembler plutôt à Montmartre.

Plusieurs « gilets jaunes » ont été filmés ce matin en train de chanter La Quenelle, de Dieudonné, sur le parvis du Sacré-Cœur. Encadrés par des forces de l’ordre, quelque 200 manifestants rassemblés sur la butte Montmartre avaient ensuite quitté le 18e arrondissement pour partir vers le centre, dans une ambiance parfois tendue, selon une journaliste de l’AFP. Ils se sont séparés en groupes épars de dizaines de personnes déambulant sans itinéraire, parfois bloqués par les forces de l’ordre ou repoussés à coups de gaz lacrymogènes.

Comme la semaine dernière, 69 000 membres des forces de l’ordre environ avaient été déployés, dont 8 000 à Paris, appuyés par des véhicules blindés à roues de la gendarmerie.

  • Tensions tardives sur les Champs-Elysées

En fin de journée, les Champs-Elysées ont été le théâtre de violents accrochages entre « gilets jaunes » et policiers. L’avenue a été évacuée et un important dispositif de forces de l’ordre déployé sur place.

Le matin, pourtant, seuls une vingtaine de « gilets jaunes » s’étaient rassemblés en haut de l’avenue, en face de l’arc de Triomphe. Contrairement aux cinq samedis précédents, la circulation était possible également place de la Concorde. Les cafés et restaurants ont déployé normalement leurs terrasses et la quasi-totalité des magasins exhibait leur vitrine. Seules quelques boutiques de luxe sont restées fermées.

  • Un dixième décès

Dans la nuit de vendredi à samedi, un automobiliste est mort après avoir percuté un camion bloqué à un barrage filtrant de « gilets jaunes », à l’entrée d’autoroute de Perpignan-sud, a déclaré le procureur de Perpignan, Jean-Jacques Fagni.

M. Fagni a précisé que la plupart des manifestants présents lors de l’accident s’étaient enfuis. Une enquête de flagrance a été ouverte pour « homicide involontaire aggravé et entrave à la circulation ».

  • Blocages de frontières et d’autoroutes

Au niveau du Boulou, près de la frontière espagnole, plus de 300 « gilets jaunes » bloquaient depuis samedi matin une bretelle d’autoroute. « Le roi Macron donne des miettes aux gueux », « Le mépris ça suffit », pouvait-on lire sur leurs banderoles. Ils étaient encadrés par un cordon de gendarmes qui les empêchaient d’accéder au péage.

En début d’après-midi, les « gilets jaunes » et des dizaines de militants séparatistes catalans, vêtus eux aussi de gilets jaunes et brandissant le drapeau indépendantiste, ont été délogés par les forces de l’ordre, a affirmé à l’AFP la préfecture des Pyrénées-Orientales. Les manifestants ont été chassés hors de l’autoroute à coups de gaz lacrymogènes et se sont massés sur un pont, jetant des objets sur l’axe routier. Des journalistes de France 2 ont été prises à partie par des « gilets jaunes ».

Dans le Sud-Est, la circulation sur l’autoroute au poste-frontière de Vintimille, dans les Alpes-Maritimes, a été bloquée dans les deux sens entre l’Italie et la France à cause d’un barrage érigé par quelque 200 manifestants, d’après l’AFP. Vers midi, le barrage est devenu filtrant pour les automobilistes mais les camions étaient toujours bloqués.

A Strasbourg, une centaine de « gilets jaunes » ont bloqué la route d’accès au pont de l’Europe, frontalier avec l’Allemagne, avant d’être délogés par les forces de l’ordre. La police a procédé à six interpellations.

Des blocages ont également été signalés dans la nuit de vendredi à samedi dans le Nord, sur les autoroutes A2 et A22, à la frontière belge. Selon Vinci Autoroutes, quelques entrées, sorties et barrières de péage sont encore fermées sur le réseau, notamment sur l’autoroute A7.

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Carburant, pouvoir d’achat : les raisons de la colère

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Face à la police et à la justice