Martin Fourcade à Nove Mesto, le 23 décembre 2018 / Petr David Josek / AP

C’est de sa faute aussi. Martin Fourcade a rendu le biathlon presque trop facile et prévisible pour ceux qui ont découvert cette discipline où le vainqueur du jour est parfois le 28e du lendemain. Lui-même avait peut-être fini par oublier cette versatilité.

La saison dernière, le Français avait ainsi terminé 22 fois sur le podium sur les 26 manches de la Coupe du monde avec 11 victoires en prime. Samedi 22 décembre, Fourcade lâchait cet aveu après sa 5e place lors de la poursuite de Nove Mesto en République Tchèque : « En sept ans, j’ai construit une sorte de monstre et je suis le premier à devoir me battre avec lui à chaque fois que je ne suis pas à la hauteur. »

Parti de la 43e place après un sprint raté, le septuple vainqueur de la Coupe du monde avait remonté 38 places. Il aspirait bien titiller les spatules du Norvégien Johannes Boe pour la mass start. Mais la bataille des chefs n’a pas eu lieu ce dimanche 23 décembre.

Plombé par ses deux fautes sur son premier tir couché, Fourcade a terminé 9e de cette course en ligne, loin d’un Boe d’une fiabilité nouvelle derrière sa carabine (20 sur 20 au tir).

La conquête d’un huitième « gros globe » paraît bien compromise avec un débours de 165 points sur son rival, six fois vainqueur en huit courses en décembre. « Pour penser au classement général, il faut être premier ou deuxième et aujourd’hui ce n’est pas mon cas, explique celui qui pointe au 5e rang du classement général. Il faut que je retrouve du plaisir sur les skis et des performances qui puissent me correspondre. »

N’importe quel biathlète serait heureux avec un bilan de deux victoires (la poursuite d’Hochfilzen et l’individuel de Pokjuka), pas un Martin Fourcade toujours à la recherche « d’une course référence » et auteur de plusieurs trous d’air inédits pour lui.

Sur le sprint de Pokjuka (23e), le Catalan donnait l’impression d’être planté sur les skis au point de passer des tests physiques dans la foulée, ne révélant rien d’inquiétant. A Nove Mesto, il craquait cette fois au tir, là où il a pourtant construit sa domination depuis sept ans (6 sur 10 sur le sprint).

« J’ai manqué de repos et de fraîcheur »

Mais ce sont bien ses sensations sur les skis qui l’inquiètent. « Ce n’est pas catastrophique mais ce n’est pas bon par rapport à ce que j’ai pu produire dans le passé, admet-il. Il y a donc pas mal de frustration. Depuis le début de saison, ça n’a pas une fois répondu sur les skis comme ça le devrait. Il y a un peu d’incompréhension de ce côté-là. »

La question de la préparation se pose. Après sa folle saison 2017/2018 (avec trois titres olympiques comme point d’orgue), le trentenaire avait décidé de tout changer pour rester au sommet. Exit Stéphane Bouthiaux, l’homme qui a accompagné sa carrière depuis ses débuts en Coupe du monde, remplacé par l’ancien fondeur, Vincent Vittoz. Pour le tir, Franck Badiou laissait sa place à l’Italien Patrick Favre.

« C’était un gros risque de ne pas changer, j’avais peur de tomber dans une forme de confort, de ne pas me faire la violence nécessaire », confiait-il au Monde le 5 décembre.

Si la méthode Vittoz semble fonctionner pour ses compatriotes Simon Desthieux (3e au général), Quentin Fillon Maillet (2e de la mass start dimanche) ou encore Antonin Guigonnat, tous en progrès sur la partie de ski de fond, la greffe ne prend pas encore avec un Fourcade.

Ce dernier laisse entendre que la préparation a peut-être été trop poussée : « Il y a eu de la fatigue après la saison dernière et ça se répète d’année en année et peut-être que j’ai manqué de repos et de fraîcheur. »

Le Français compte sur la période de deux semaines sans course avant la reprise à Oberhoff (Allemagne) le 8 janvier pour souffler et ajuster sa préparation. « Il y aura du repos les premiers jours pour profiter de la famille. Je repartirai au travail en milieu de semaine pour retrouver cette étincelle. Il n’y a pas de recette miracle. L’an dernier, les fêtes de Noël, avec une bonne charge de travail, m’avaient fait du bien. Mais il y a aussi du repos à retrouver donc il y aura un compromis à gérer et c’est ce qu’on va essayer de faire avec Vincent (Vittoz). »

Comme il le dit lui-même : « Vivement les vacances ». Humain après tout.