Washington, Etats-Unis le 28 décembre 2018. / J. Scott Applewhite / AP

Depuis le samedi 22 décembre à minuit, une partie du gouvernement fédéral des Etats-Unis est gelé. C’est le « shutdown », en vocabulaire politique américain. Donald Trump voulait 5 milliards de dollars (4,4 milliards d’euros) pour commencer à construire un mur antimigrants à la frontière avec le Mexique. Faute d’une majorité suffisamment large au Sénat, il n’a pas pu les obtenir et, en l’absence d’un consensus sur le budget au Congrès, une partie des agences qui relèvent de l’Etat fédéral n’est plus financée. Cette situation devrait se prolonger jusqu’à ce que les membres de la Chambre des représentants et les sénateurs américains élus lors des élections de mi-mandat de novembre prennent leurs sièges, le 3 janvier.

  • Qu’implique une fermeture des administrations ?

800 000 fonctionnaires fédéraux sont affectés au sein des ministères de l’intérieur, de la justice, de l’agriculture et du commerce ainsi que dans plusieurs agences fédérales. Parmi eux, 380 000 agents sont invités à rester à leur domicile tandis que 420 000 autres, jugés essentiels, devront travailler sans recevoir de salaire avant la conclusion d’un accord. La plus grande partie des 4 millions de fonctionnaires américains n’est cependant pas concernée. En effet, certains ministères importants dont ceux de la défense, de l’énergie et du travail sont financés jusqu’en septembre.

Alors que le shutdown est entré dans sa septième journée, vendredi 28 décembre, les fonctionnaires concernés sont contraints de s’adapter. L’agence indépendante du gouvernement américain responsable de la fonction publique fédérale a ainsi invité les agents non payés à demander à leurs propriétaires et à leurs banques, pour les locataires et les personnes devant rembourser des prêts, de pouvoir payer seulement une partie de l’argent qu’ils leur doivent le temps du shutdown. La Smithonian, une institution de recherche scientifique, a par ailleurs indiqué que si le gel du gouvernement américain se poursuivait, elle serait contrainte de fermer tous ses musées et ses centres de recherche.

  • Comment en est-on arrivé là ?

Donald Trump en avait fait une promesse et un marqueur central de sa campagne : le président des Etats-Unis veut construire un mur le long de la frontière américano-mexicaine dans l’idée de rendre impossible toute immigration illégale en provenance du territoire mexicain. M. Trump avait assuré que les Etats-Unis feraient payer la construction de ce mur frontalier par le Mexique. Face à l’impossibilité de tenir cette promesse illusoire, le président américain doit en faire voter le financement par le Congrès. C’est un enjeu majeur pour le président américain qui est désormais tourné vers l’échéance des élections présidentielles de 2020.

Or, pour faire passer le budget, les républicains ont besoin d’une majorité qualifiée de 60 sièges sur 100, majorité dont ils ne disposent pas avec 51 sénateurs uniquement. Un accord avec les sénateurs démocrates est donc nécessaire mais l’inflexibilité de Donald Trump sur la question du mur le rend impossible. Le président américain a lui même affirmé que le shutdown, dont il a déclaré dans un premier temps qu’il en assumerait la responsabilité, durerait jusqu’à ce qu’il obtienne du Sénat le financement du début de la construction du mur à la frontière avec le Mexique.

Jeudi 27 décembre, la porte-parole du président Trump, Sarah Huckabee Sanders, a affirmé dans un communiqué faisant référence au projet de mur :

« Le président ne veut pas que l’Etat reste gelé mais il ne signera aucune proposition qui ne donne la priorité à la sécurité et à la sûreté de notre pays. »

La question du mur était toujours au centre des débats vendredi. Donald Trump a ainsi menacé sur son compte Twitter de procéder à la fermeture totale des points de passages officiels avec le Mexique si les démocrates continuaient à refuser de voter le financement du mur.

  • Pourquoi le contexte politique compte ?

Le 3 janvier, les sénateurs et les membres de la Chambre des représentants qui ont conservé ou gagné leur siège lors des élections de mi-mandat de novembre vont entrer en fonction. Au Sénat, les républicains restent majoritaires mais leur nombre ne leur permet pas cependant d’atteindre la majorité qualifiée nécessaire pour faire passer le budget avec le financement du mur. En revanche, les démocrates seront majoritaires à la Chambre des représentants. Ils pourront ainsi voter une loi permettant de financer certains secteurs de l’administration américaine sans pour autant valider le projet de mur frontalier de Donald Trump.

En mettant fin au blocage du gouvernement fédéral, les démocrates pourront prendre l’initiative et apparaître comme les artisans d’une sortie de crise. En somme, une opposition raisonnable, facteur de stabilité, face à un président au comportement erratique. Ce récit, que tentent d’imposer les démocrates, se reflète dans le choix des mots effectué par la future présidente démocrate de la Chambre, Nancy Pelosi, qui a déclaré dans un communiqué :

« Nous voterons rapidement la reprise des activités de l’Etat et nous démontrerons qu’à l’avenir les démocrates gouverneront de manière responsable, contrairement à cette Maison Blanche où le chaos règne. »
  • Quel est l’impact économique du « shutdown » ?

Le shutdown n’est pas dénué de conséquences économiques. Les parcs nationaux étant placés sous l’autorité du ministère de l’intérieur, ils doivent fermer, ce qui pénalise le secteur du tourisme. Par ailleurs, les fournisseurs de l’Etat verront leurs factures réglées en retard et la baisse des dépenses à laquelle sont contraints les fonctionnaires affectés ponctionne la demande.

Ce blocage intervient par ailleurs dans un contexte où l’économie du pays présente des signes de faiblesse. Entre le 17 et le 21 décembre, Wall Street a traversé sa pire semaine depuis 2008 avec une baisse de - 8,36 % pour le Nasdaq. Lundi 24 décembre, la Bourse de New-York a flanché à nouveau avant de terminer en hausse jeudi. Par ailleurs, la crise budgétaire augmente les risques d’une crise autour du plafond de la dette publique et d’un défaut de paiement aux conséquences économiques potentiellement sévères.

  • Quels sont les précédents ?

Ce blocage budgétaire est le troisième de l’année, après janvier (trois jours) et février (quelques heures), déjà à cause de la question migratoire. Le précédent, en octobre 2013, avait duré seize jours, et le record a été atteint en 1995-1996 avec vingt et un jours, sous la présidence de Bill Clinton. En tout, depuis 1976, les Etats-Unis ont connu dix-sept shutdowns.