Colin O'Brady traverse l'Antarctique en solo et sans assistance
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Mercredi 26 décembre, Colin O’Brady a terminé sa traversée de l’Antarctique de part en part. En solitaire et sans assistance, une première.

L’athlète américain était parti de la barrière de Ronne, l’un des points du continent Antarctique les plus proches du Chili, le 3 novembre, puis a atteint le pôle Sud le 12 décembre. Enfin, après une dernière étape de 32 heures, il est arrivé au glacier Leverett, en face de la Nouvelle-Zélande, et a terminé son voyage de près de 1 500 km. Pour la première fois, la traversée a été réalisée à ski, sans ravitaillement – en concurrence avec un autre aventurier, le Britannique Louis Rudd, qui devrait à son tour boucler l’exploit vendredi ou samedi.

Colin O’Brady s’inscrit dans une lignée d’aventuriers de trois siècles qui ont mené des expéditions pour découvrir et braver ce continent extrême.

Un continent sous la banquise

Pour les Européens, l’existence même de l’Antarctique fut incertaine jusqu’au XVIIIe siècle. Avant ce moment, certaines cartes présentaient un continent inconnu, une terre australe légendaire.

Pendant l’exploration du continent américain par les Européens à partir du XVIe siècle, des îles de plus en plus au sud sont découvertes, telles que les îles Malouines et, plus tard, les îles Sandwich du Sud. Tous les marins n’ambitionnent pas de rechercher ce continent légendaire : certains cherchent des territoires propices à la chasse au phoque.

On considère que c’est James Cook, un explorateur britannique du milieu du XVIIIe siècle, qui franchit en premier le cercle polaire antarctique. Ne voyant que de la banquise, il ne peut conclure quant à l’existence du continent austral. Mais l’Antarctique est bien un continent : il y a un sol sous la glace, à la différence de l’Arctique qui, autour du pôle Nord, n’est constitué que de l’océan du même nom.

L’Antarctique est ensuite découvert indépendamment et progressivement par plusieurs explorateurs à partir du début du XIXe siècle, sans qu’on sache vraiment qui a posé le pied en premier sur le continent.

Un brise-glace trace un chenal afin de relier les bases antarctiques américaine McMurdo et néo-zélandaise Scott, le 1er janvier 2000. / Tom Szlukovenyi / REUTERS

Découvertes scientifiques

A partir de la fin du XIXe siècle, de nombreuses expéditions sont entreprises pour explorer l’Antarctique. Il s’agit de grandes expéditions, parfois de plusieurs centaines d’hommes dont tous ne reviennent pas.

En 1911, le pôle Sud géographique est atteint pour la première fois. Ce point situé à 90° de latitude sud est l’objet d’une course et c’est le Norvégien Roald Amundsen et son équipe qui y plantent leur drapeau les premiers. Ils devancent de quelques jours le Britannique Robert Falcon Scott, lui aussi accompagné par son équipe. Ce dernier mène l’expédition Terra Nova, qui est restée dans l’histoire pour sa fin tragique : Scott et ses compagnons meurent de froid à quelques dizaines de kilomètres de la fin de leur voyage. En plus de l’exploration du territoire, Terra Nova avait des buts scientifiques. Scott effectuait divers relevés et a transporté jusqu’au bout des roches pour pouvoir les étudier. Celles-ci contenaient des fossiles similaires à d’autres découverts en Afrique du Sud. Ces roches furent un argument pour prouver que l’Antarctique et d’autres continents du Sud avaient été liés, confirmant ainsi la théorie des plaques tectoniques. Pour beaucoup, ces explorateurs du début du XXe siècle sont des figures héroïques.

Les explorations se poursuivent tout au long du XXe siècle. En 1958, le Britannique Vivian Fuchs fait la première traversée de l’Antarctique en passant par le pôle Sud, ce qui lui vaut son anoblissement par la reine Elizabeth. Pendant l’expédition, qui est motorisée, il effectue divers relevés, comme la mesure de l’épaisseur de la glace polaire.

Toutes ces explorations ont permis de développer plusieurs domaines scientifiques et sont aujourd’hui utiles pour étudier le changement climatique. Outre la fonte des glaciers, l’extraction de carottes de glace permet ainsi d’obtenir des informations sur la composition de l’air depuis l’ère pré-industrielle. Parallèlement, les chercheurs sont bien installés sur le continent austral, avec plus d’une trentaine de bases. La Terre-Adélie, territoire austral revendiqué par la France, abrite ainsi la base scientifique française Dumont-d’Urville sur l’île des Pétrels.

Colin O’Brady, le 26 décembre, après ses 54 jours de traversée de l’Antarctique. / Colin O'Brady / AP

Des explorations aux exploits sportifs

Aujourd’hui, ce ne sont plus seulement des expéditions d’exploration ou scientifiques. Arriver au pôle Sud par voie terrestre est aussi un exploit sportif. Certains choisissent d’y aller avec peu ou pas d’assistance, en utilisant divers moyens de locomotion : à ski, éventuellement aidés de cerf-volant, ou bien avec des chiens ou même un tricycle.

La traversée reste périlleuse. Le terrain est inégal : sur certains tronçons, des chemins sont délimités par des drapeaux et il est possible d’être secouru par les airs. Sur d’autres, les explorateurs ne peuvent compter que sur eux-mêmes. En 2016, le Britannique Henry Worsley avait tenté la même traversée que O’Brady. Evacué en urgence, il est mort d’une infection peu après.

Après les exploits sportifs, la nouvelle ère de l’Antarctique sera-t-elle touristique ? Le « tourisme polaire » se développe, notamment près de l’Arctique. Mais certaines ONG, comme Greenpeace, dénoncent un « tourisme tragique » qui abîme un environnement fragile jusque-là préservé.