Pour apaiser les douleurs neurologiques et musculaires dues à sa sclérose en plaques, Anna (le prénom a été modifié), 35 ans, éducatrice sportive dans l’ouest de la France, s’est vite aperçue que seul le cannabis était efficace. « Les médicaments, eux, me détraquaient d’un point de vue gastrique, hépatique et rénal. Ils rajoutaient des maux à une maladie déjà difficile à vivre », raconte-t-elle.

Après une première tentative infructueuse, elle réussit à faire pousser dans son jardin une dizaine de pieds d’une variété médicinale de cannabis, ce qui lui permet aujourd’hui, tous les deux jours, de fumer un « petit » joint à base de fleurs séchées, sans tabac. Résultat : elle ne prend plus aucun médicament contre la douleur. « Je n’ai trouvé que ça qui me soulage vraiment », assure-t-elle, regrettant de devoir braver la loi pour accéder à quelque chose qui lui procure « autant de bénéfices et si peu de dommages collatéraux ».

Adèle (le prénom a été modifié), 44 ans, fonctionnaire dans le centre de la France, est également rapidement devenue adepte du cannabis thérapeutique pour soulager la spasticité liée à sa sclérose en plaques et ainsi retrouver une « qualité de vie ». « Avec une seule prise par jour, je ne sens pratiquement plus une crampe qui aurait pu durer cinq heures », explique-t-elle, vantant l’absence de tout effet secondaire. « J’avais des nuits hachées, je dors plus paisiblement. » Tous ses médecins sont non seulement au courant de cette consommation mais approuvent cet usage – non fumé – du cannabis.

Un poste de dépense conséquent

Pour se procurer la plante, dont elle dit ne même pas pouvoir vanter les vertus sans tomber sous le coup de la loi, l’une de ses amies résidant en Suisse lui envoie chaque mois par la poste sous sachet scellé 15 grammes de bourgeons de mango haze, une variété contenant moins de 1 % de tétrahydrocannabinol (THC, la substance psychoactive du cannabis, interdite par la loi française) et 20 % de cannabidiol (CBD, une autre molécule du ­cannabis, non prohibée, sans ­effet euphorisant). « Avec cette variété, j’ai pu obtenir les effets positifs sans les effets délétères », raconte Adèle, qui en « machouille » un gros bourgeon chaque jour, vers 18 heures. « Rarement un deuxième. »

Le cannabis représente pour elle un poste de dépense conséquent, non pris en charge par la Sécu : une quinzaine de francs suisses, soit une centaine d’euros. « J’ai des parents qui m’aident financièrement explique Adèle, qui gagne environ 2 000 euros par mois. Mais comment font les personnes qui touchent l’allocation adulte handicapé ? Avec même pas 900 euros par mois, elles n’ont pas le budget… »

A chaque fois qu’elle va ouvrir sa boîte aux lettres, les jours où elle attend un paquet en provenance de Suisse, Adèle dit avoir « peur » qu’il y ait eu un signalement de La Poste. « Je sais que je cours un risque pénal, c’est une source d’angoisse. Du fait que ce soit illégal, il y a un sentiment d’injustice très profond chez les malades, on se sent abandonné. »