Survolez Pluton avec la sonde New Horizons
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On l’aurait presque oubliée tant elle est loin de nous. La sonde New Horizons de la NASA avait eu son heure de gloire le 14 juillet 2015 en étant le premier engin humain à survoler la planète naine Pluton. Elle avait alors envoyé aux astronomes des images époustouflantes de ce corps gelé, d’une topographie bien plus complexe que ce que l’on imaginait. Et le vaisseau, qui n’avait pas les moyens de se mettre en orbite autour de Pluton, avait poursuivi sa route, s’enfonçant à la fois dans les tréfonds du Système solaire et dans ceux, non moins sombres, de notre mémoire.

Cependant, la mission de New Horizons n’était pas terminée. Voilà que la sonde, désormais à 6,5 milliards de kilomètres de nous, resurgit pour le premier jour de 2019 où elle survolera un petit astre glacé que la NASA a baptisé Ultima Thulé, en référence au nom de Thulé que le navigateur massaliote Pythéas avait attribué, au IVe siècle av. J.-C., à la contrée la plus septentrionale de l’Europe.

Le nom officiel de cet objet céleste d’une trentaine de kilomètres de diamètre est 2014 MU69. Il s’agit de l’un des milliers de corps qui occupent ce que les spécialistes nomment la ceinture de Kuiper, du nom de l’astronome néerlando-américain Gerard Kuiper (1905-1973) qui, le premier, suggéra l’existence, au-delà de l’orbite de Neptune, d’une zone peuplée d’astres froids et modestes en taille.

51 000 kilomètres/heure

Ainsi que l’explique le planétologue François Forget, directeur de recherches au CNRS impliqué dans la mission New Horizons, « pendant longtemps on a eu une vision assez simple du Système solaire : quatre planètes telluriques – Mercure, Vénus, la Terre et Mars –, quatre planètes gazeuses – Jupiter, Saturne, Uranus et Neptune – et un canard bizarre et solitaire qui était Pluton. Aujourd’hui, la ceinture de Kuiper est considérée comme une vraie grande partie du Système solaire, une troisième zone remplie de nombreux objets dont Pluton, l’un des plus gros, est l’ambassadeur. »

Etudier in situ un des représentants de ces objets transneptuniens (TNO, selon l’acronyme anglais) est à la fois une première dans l’histoire de l’astronomie et une chance pour les chercheurs. A peine visibles dans les télescopes tellement ils sont minuscules et lointains, les TNO n’y apparaissent que sous la forme de points et les informations que l’on récolte à leur sujet s’avèrent bien maigres. Pourtant, mieux connaître ces astres primitifs permettrait de remonter à la naissance du Système solaire il y a un peu plus de 4,5 milliards d’années, et de livrer des indices sur la manière dont se sont alors agrégées les planètes. Les images et les données de New Horizons sont donc attendues avec une certaine impatience.

Mardi 1er janvier, à 6 h 33 (heure de Paris), l’émissaire robotisé de la NASA, filant dans l’espace à près de 51 000 km/h, passera à 3 500 km d’Ultima Thulé, dont on sait déjà qu’il s’agit d’un objet de forme allongée, cette information ayant été obtenue en le regardant occulter une étoile.

« On se demande s’il s’agit d’un seul corps qui, comme la comète Tchouri étudiée par la sonde Rosetta, ressemblerait à deux patates collées, ou bien s’il s’agit de deux corps qui tournent très près l’un de l’autre, précise François Forget. Si c’est un seul objet, a-t-il été créé ainsi ou bien est-ce le fragment d’un plus gros corps, auquel cas il pourrait avoir été chauffé en se brisant et présenter des couches ? »

Débusqué par Hubble

D’autres questions concernent sa composition, la présence d’une atmosphère ou d’anneaux. « Ce ne sera pas aussi spectaculaire que pour Pluton, où l’on a découvert un autre monde, explique le planétologue, mais il y aura quand même l’excitation de survoler quelque chose de totalement nouveau ! »

Le plus incroyable de cette aventure scientifique réside dans le fait que, lorsque New Horizons a quitté la Terre le 19 janvier 2006, la NASA ignorait quelle serait sa destination après Pluton, car Ultima Thulé n’avait pas encore été découvert… « On a commencé par chercher une cible avec de gros télescopes terrestres, rappelle François Forget, un objet dans le cône atteignable par la sonde, mais on n’a rien trouvé du tout. La NASA a donc demandé du temps d’observation sur le télescope spatial Hubble, avec une très grosse pression pour détecter des TNO. A vivre, c’était assez particulier, et il y a même eu un moment où tout le monde a pensé qu’on ne trouverait pas de cible. Au bout du compte, on a eu des centaines d’heures sur Hubble, ce qui était exceptionnel. »

Ultima Thulé, dans la ceinture de Kuiper. / AP/NASA

Heureusement pour la mission, Ultima Thulé est apparu en 2014 sur une des images prises par le télescope spatial, ce qui a laissé assez de temps pour étudier son orbite et programmer les changements de trajectoire nécessaires afin que New Horizons aille lui rendre visite.

Dans une déclaration publiée par le Guardian, Alan Stern, le responsable de la mission, explique qu’il faudra « environ vingt mois pour récupérer les données » enregistrées lors du survol du 1er janvier. Et il pense déjà à la suite. La sonde a encore du carburant, ses instruments sont opérationnels, sa batterie nucléaire peut lui fournir de l’électricité pendant des années. Mais aucune nouvelle cible n’est en vue… Cette fois-ci, New Horizons pourrait bien poursuivre sa course vers nulle part.