Près d’un million de Brésiliens étaient attendus, mardi 1er janvier vers 17 h 45, heure de Paris, dans la capitale brésilienne pour assister à l’investiture du nouveau président d’extrême droite, Jair Bolsonaro. Un tournant radical dans l’histoire du pays, quinze ans après l’arrivée au pouvoir de la gauche de Luiz Inacio Lula da Silva.

Son gouvernement compte plus de militaires que l’équipe du général Castelo Branco, arrivé au pouvoir au lendemain du coup d’Etat de 1964. Sa composition risque aussi d’opposer différentes lignes : étatiste contre ultralibérale, proaméricaine contre proasiatique, évangélique et isolationniste. Présentation de six hommes forts du nouvel exécutif brésilien.

  • Paulo Guedes (69 ans), le « Chicago boy » à l’économie

Paulo Guedes. / EVARISTO SA / AFP

Surnommé le « mari » ou le chancelier de Jair Bolsonaro, l’économiste, formé à la très libérale école de Chicago, est chargé d’un super-ministère regroupant l’économie, les finances, la planification, l’industrie et le commerce extérieur. Disposant d’une « carte blanche » pour choisir ses équipes, le ministre, qui prétend débureaucratiser le pays, privatiser à outrance et mener les réformes des retraites et de l’impôt, devra affronter les réticences des militaires à privatiser les entreprises stratégiques et faire entendre à la population l’intérêt d’un programme hautement impopulaire.

  • Sergio Moro (46 ans), le shérif de l’anticorruption à la justice

Sergio Moro. / EVARISTO SA / AFP

L’ancien juge anticorruption, responsable de la première condamnation de l’ex-chef d’Etat Luiz Inacio Lula da Silva, est chargé d’un portefeuille regroupant la justice et la sécurité publique. Le « shérif », auréolé de gloire pour avoir dénoué, avec l’opération « Lava-Jato » (lavage express), un tentaculaire système de pots-de-vin impliquant des politiciens de tout bord et le gratin du milieu des affaires, devra démontrer sa capacité à combattre les gangs de la drogue aussi bien que les délits en cols blancs, sans épargner les proches de Bolsonaro.

  • Ernesto Araujo (51 as), le diplomate anti-mondialisation

Ernesto Araujo. / Adriano Machado / REUTERS

Disciple d’Olavo de Carvalho, maître à penser de l’extrême droite brésilienne, le diplomate a révélé sa pensée hétérodoxe dans une série d’articles publiés sur son blog, Metapoliticabrasil. Contempteur de la Chine et de la mondialisation, adorateur de Donald Trump et pourfendeur du changement climatique qu’il qualifie de « complot gauchiste », l’ex-directeur du département des Etats-Unis, du Canada et des affaires internationales au ministère des affaires étrangères entend inclure le Brésil dans un « pacte chrétien » aux côtés des Etats-Unis et de la Russie, quitte à heurter les intérêts économiques du pays.

  • Augusto Heleno (71 ans), le général stratège de Bolsonaro aux renseignements

Le Général Augusto Heleno. / EVARISTO SA / AFP

Un temps pressenti pour occuper le poste de ministre de la défense, le général conseiller et stratégiste de Bolsonaro a finalement hérité du cabinet de sécurité institutionnelle (GSI) – organe responsable du renseignement du gouvernement fédéral – afin d’être plus proche du président élu. Référence dans le milieu militaire, omniprésent dans le gouvernement Bolsonaro, il fut commandant lors de la mission de paix de l’ONU en Haïti, où l’armée commit diverses exactions.

  • Ricardo Salles (43 ans), un proche de l’agronégoce à l’environnement

Ricardo Salles. / Adriano Machado / REUTERS

Ami des « ruralistas », le lobby de l’agronégoce, et apprécié des industriels, qui ont salué sa nomination, Ricardo Salles, ex-secrétaire à l’environnement du gouvernement de l’Etat de Sao Paulo entre 2016 et 2017 n’entre pas dans la catégorie des climatosceptiques du gouvernement Bolsonaro. Le quadragénaire considère toutefois que le réchauffement climatique est « une question secondaire » et se dit favorable au maintien du Brésil dans les accords de Paris, mais « pas à n’importe quelle condition ». Il a été condamné en première instance, le 19 décembre, pour improbité administrative, accusé d’avoir modifié les plans d’une réserve naturelle pour favoriser des entreprises minières.

  • Damares Alves (54 ans), l’évangélique aux droits de l’homme

Damares Alves. / SERGIO LIMA / AFP

Victime d’abus sexuel étant enfant, la pasteure évangélique s’est réfugiée dans la foi et fut l’objet d’intenses moqueries sur les réseaux sociaux après l’exhumation d’une vidéo la montrant, exaltée, racontant avoir eu une apparition de Jésus au pied d’un goyavier. Promettant de respecter les droits LGBT et de promouvoir l’égalité salariale entre hommes et femmes, Damares Alves a toutefois confié qu’à ses yeux, la meilleure place de la femme, destinée à être mère, était à la maison. Son ministère aura la tutelle de la Fondation nationale pour l’Indien (Funai), autrefois logée à la justice.