Le juge qui enquête sur l’affaire Odebrecht, devant la dirigeante du parti d’opposition Fuerza popular, Keiko Fujimori, qui se trouve en détention préventive. / Mariana Bazo / AP

Révélée en décembre 2016 par une enquête du département de la justice des Etats-Unis, l’affaire Odebrecht continue à faire tomber des têtes en Amérique latine. Le procureur général du Pérou, Pedro Gonzalez Chavarry, a destitué lundi 1er janvier deux procureurs qui enquêtaient sur les affaires de corruption du groupe brésilien de BTP Odebrecht, ainsi que sur quatre anciens présidents péruviens et sur la chef de l’opposition, Keiko Fujimori.

« J’ai estimé nécessaire d’annuler la désignation de Rafael Vela et de Jose Domingo Perez », a annoncé le procureur Chavarry. Il a dit ne plus avoir confiance dans leur impartialité. Selon M. Chavarry, l’équipe que dirige le procureur Vela « ne garantit pas la neutralité de l’enquête » et pèche par « un manque de rigueur », ce qui pourrait affecter le processus d’enquête.

M. Chavarry a déclaré que pour ces raisons il avait décidé de « reconfigurer l’équipe spéciale de procureurs » qui doit enquêter sur les affaires liées au scandale Odebrecht, entreprise brésilienne de travaux publics désormais connue comme « la multinationale latino-américaine de la corruption ». Il a nommé deux procureurs en remplacement de ceux qu’il a destitués et qui enquêtaient depuis six mois sur l’affaire Odebrecht.

Contestations

Leur destitution survient alors qu’il y a une semaine un de ces deux procureurs, José Domingo Perez, avait lui-même accusé le procureur général Chavarry de dissimulation et d’obstruction concernant les enquêtes contre Odebrecht et contre Keiko Fujimori. La destitution annoncée lundi a provoqué des réactions immédiates sur les réseaux sociaux, où des collectifs de défense des droits de l’homme ont appelé à des défilés de soutien aux deux procureurs.

Le président péruvien actuel, Martin Vizcarra, a annoncé lundi depuis le Brésil, où il allait assister à l’inauguration du président brésilien Jair Bolsonaro, qu’il allait avancer son retour au Pérou pour se joindre aux protestations contre la destitution des deux procureurs. « Devant ces nouveaux événements, j’ai décidé d’avancer mon retour pour continuer à mener la lutte contre la corruption et l’impunité, a déclaré M. Vizcarra sur son compte Twitter. J’exprime mon énergique condamnation devant la destitution des procureurs chargés des plus importantes investigations sur la corruption. »

L’équipe que dirigeait le procureur Vela était chargé d’enquêter sur quatre anciens présidents péruviens. Alejandro Toledo a fui aux Etats-Unis et fait l’objet d’une demande d’extradition. Ollanta Humala a été emprisonné pendant neuf mois ainsi que son épouse ; ils ont été libérés en juin dernier. Alan Garcia a tenté d’obtenir l’asile politique auprès de l’ambassade d’Uruguay, qui le lui a refusé. Pedro Pablo Kuczynski a démissionné en mars dernier.

Est également sous enquête la dirigeante du parti d’opposition Fuerza popular, Keiko Fujimori, qui se trouve en détention préventive et est accusée d’avoir reçu des versements illégaux d’Odebrecht lors de sa campagne électorale de 2011.