A l’entrée d’une agence Pôle emploi, le 5 mars 2018. / PHILIPPE HUGUEN / AFP

Cinq mois après l’adoption définitive de la loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel, un important décret d’application, visant à préciser des modalités pratiques du texte, a été publié au Journal officiel, dimanche 30 décembre ; il prévoit notamment des sanctions renforcées envers les demandeurs d’emploi qui manqueraient à leurs obligations. Mercredi, la porte-parole des députés La République en marche (LRM), Aurore Bergé, a justifié ces mesures par une « logique de justice ».

Instaurées dans le prolongement du volet « contrôle des chômeurs » de la réforme avenir professionnel adoptée cet été, certaines de ces sanctions sont pourtant plus dures que ce qu’avait initialement annoncé le gouvernement au mois de mars.

  • Un mois de radiation plutôt que quinze jours dès le premier rendez-vous manqué

Le fait de ne pas se rendre à un rendez-vous avec un conseiller, par exemple, devait être initialement sanctionné de quinze jours de radiation des listes au lieu des deux mois actuellement en vigueur. Finalement, ce sera un mois de radiation au premier rendez-vous loupé, deux mois au deuxième manquement et quatre mois au troisième manquement constaté.

Jusqu’à présent, le code du travail n’était pas aussi précis sur les sanctions au-delà du premier rendez-vous manqué : il mentionnait seulement qu’en cas de manquements « répétés » le demandeur d’emploi pouvait être radié pendant « une durée comprise entre deux et six mois consécutifs ».

  • Une allocation « supprimée » et non plus « suspendue » pour insuffisance de recherche d’emploi 

Concernant les sanctions pour recherche d’emploi insuffisante (lorsque par exemple le demandeur refuse deux offres jugées « raisonnables »), le gouvernement avait d’abord évoqué des sanctions graduelles : suspension de l’allocation d’un mois la première fois, de deux mois la deuxième fois, et de quatre mois la troisième fois. L’exécutif avait alors précisé que l’allocation serait amputée à partir de la deuxième fois.

Or, dans le décret publié dimanche, les notions de « réduction » et de « suspension » de l’allocation (ce qui permettait de conserver ses droits) disparaissent du code du travail : celle-ci ne pourra désormais que connaître une « suppression ». Ainsi, dès deux refus d’une « offre raisonnable » d’emploi, le demandeur verra son allocation supprimée pour un mois. S’il décline à nouveau deux offres, elle sera supprimée pour deux mois consécutifs, puis pour quatre mois au troisième manquement.

Le décret limite par ailleurs les possibilités de refus d’un emploi trop mal payé et « abroge la définition du salaire antérieurement perçu qui était pris en compte pour déterminer l’offre raisonnable d’emploi » ; concrètement, un demandeur d’emploi ne pourra plus refuser une offre au motif que le salaire est inférieur à celui qu’il touchait lors de son dernier travail.

Au micro de France inter, Michel Beaugas, secrétaire confédéral du syndicat Force ouvrière (FO), s’est dit « surpris » par le décret qui, « au prétexte de simplification, durcit » le contrôle. « Avant, vous aviez vos allocations suspendues, vous les retrouviez, là c’est la disparition des allocations », a-t-il déploré sur France Inter. « Pour retrouver un emploi il suffit de traverser la rue, c’est cette idée-là que les demandeurs d’emploi en France ne font pas suffisamment de recherches pour retrouver un emploi, c’est une précarisation rampante. »

  • La majorité évoque un « équilibre entre droits et devoirs »

Aurore Bergé a fait savoir que ces sanctions plus dures avaient été décidées dans le but d’imposer un équilibre entre des « droits supplémentaires » et des « devoirs supplémentaires ». Mme Bergé faisait notamment référence à des annonces de l’exécutif en matière de formation professionnelle, domaine où le gouvernement aurait « mis le paquet » avec « un million de chômeurs de longue durée qui vont bénéficier d’une formation » selon la députée des Yvelines.

Le député LRM Aurélien Taché, corapporteur de la loi avenir professionnel, a pour sa part estimé que des sanctions plus dures devaient s’accompagner de « propositions d’emploi (…) et d’accompagnement plus importantes ».

« J’ai toujours dit quand j’étais rapporteur de cette loi que je n’étais pas du tout pour qu’on traque les chômeurs » car « quand ils n’ont pas de travail, c’est la plupart du temps tout simplement parce qu’ils n’en trouvent pas », a-t-il souligné. Selon une étude de Pôle emploi publiée en août 2018, seulement 12 % des demandeurs d’emploi ne cherchent pas activement un emploi, et ce taux tombe à 8 % chez les bénéficiaires de l’assurance-chômage.

Point central du programme social d’Emmanuel Macron, la réforme de l’assurance-chômage à proprement parler a été officiellement lancée en novembre. Elle portera notamment sur l’indemnisation des indépendants et des démissionnaires, et sur la mise en place d’un bonus-malus sur les cotisations patronales pour les entreprises qui abusent des contrats courts. Dans son document de cadrage, le gouvernement a également demandé de nouvelles économies draconiennes aux syndicats et au patronat : 3 à 3,9 milliards d’euros sur trois ans.