Image la plus précise disponible à ce jour d’Ultima Thulé, prise le 1er janvier par la sonde New Horizons. Chaque pixel représente 140 m. / NASA/Johns Hopkins University Applied Physics Laboratory/Southwest Research Institute

Hier, Ultima Thulé ressemblait à une cacahuète pixelisée. Aujourd’hui, on découvre que cet astre est en fait une chimère, l’assemblage de deux sphères de glace accolées l’une à l’autre. C’est la sonde américaine New Horizons qui a frôlé mardi 1er janvier cet objet mystérieux situé au-delà de l’orbite de Neptune, dans la ceinture de Kuiper peuplée de vestiges de la formation du système solaire, et mis au jour cet assemblage. La NASA et le laboratoire de physique appliquée de l’Université Johns Hopkins se partagent la responsabilité de cette mission lancée il y a douze ans – d’abord vers Pluton, atteinte en 2015, puis vers l’improbable Ultima Thulé, découvert en 2014 seulement.

Mardi, le responsable de la mission, Alan Stern (Southwest Research Institute, Boulder, Colorado), présentant une image encore indéchiffrable, avait promis que cette longue patience allait être récompensée, et que « la plus lontaine des opérations de survol d’un astre jamais conduite » allait incessamment porter ses fruits, offrant des données qui s’amélioreraient « de jour en jour ».

Deux corps réunis par les lois de la gravité

Mercredi 2 janvier, avec une partie de son équipe, il a commenté les premières images offrant une résolution satisfaisante prises par New Horizons, lancé à plus de 50 000 km/h lors de son passage à 3 500 km seulement de ce corps de 35 km par 15 environ, actuellement situé à plus de 6 milliards de kilomètres de la Terre. Ultima Thulé, alias 2014 MU69 (son nom officiel), dévoilait enfin ses formes.

Au vu de la silhouette énigmatique observée depuis la Terre, l’hypothèse d’un couple d’astres tournant l’un autour de l’autre était envisageable. La veille, le responsable scientifique de la mission Hal Weaver avait indiqué qu’il misait, lui, sur un corps allongé, « comme c’est le cas pour la plupart des petits objets du système solaire, dont la masse est insuffisante pour que la gravité leur donne une forme sphérique ».

Pari perdu : Ultima Thulé se situe donc entre les deux hypothèses. « C’est un bonhomme de neige ! », s’est exclamé Alan Stern. C’est le premier objet issu avec certitude de l’assemblage de deux corps réunis par les lois de la gravité, a-t-il souligné. Son collègue Jeff Moore a décrit le lent ballet qui a conduit à leur collision à très faible vitesse : « S’il s’était agi de deux voitures se heurtant dans un parking, vous n’auriez peut-être même pas fait un constat », a-t-il plaisanté.

Premières images en couleurs d’Ultima Thulé, prises à une distance de 137 000 km le 1er janvier par New Horizons. / NASA/Johns Hopkins University Applied Physics Laboratory/Southwest Research Institute

Les chercheurs ont déjà trouvé un surnom pour faciliter la description de cet attelage inattendu. Le plus gros est Ultima (19 km de diamètre), tandis que le petit, d’un volume trois fois moindre, est nommé Thulé. Tous deux portent des traces de cratères et de collines, mais les images ne sont pas encore d’une définition suffisante pour spéculer utilement sur la topographie.

Un objet rouge au « cou » plus clair

Les images en couleurs ont donné un indice tout à fait clair, celui-là. « On peut dire définitivement qu’Ultima Thulé est rouge », a annoncé Carly Howett, une des scientifiques de la mission. Le « cou » réunissant les deux corps est plus clair, ce qui pourrait être dû soit à des matériaux plus fins, soit à une composition différente. Ce cou semble robuste, mais en fait, la simple gravité suffit à maintenir les deux lobes solidement en contact l’un avec l’autre. Et la vitesse de rotation de l’astre, qui tourne sur lui-même en quinze heures environ, n’a aucune chance de les désolidariser.

De nouvelles données, offrant une vision stéréoscopique de l’astre, sont attendues dans les prochaines heures. Alan Stern a déjà promis un premier article scientifique décrivant Ultima Thulé pour la semaine prochaine. Mais l’équipe scientifique devra ensuite patienter quelques jours avant de recevoir de nouvelles données, plus complètes, car l’orientation de la sonde par rapport au flux solaire interdira leur transmission.

Les chercheurs reprendront la collecte le 15 janvier. Elle se prolongera pendant plusieurs mois. Les images de haute résolution en couleur devraient être disponibles en février. Quant aux données radar, qu’Alan Stern qualifie d’« objectif bonus », elles arriveront bien plus tard : « On ne peut exclure une panne, explique-t-il. On veut donc rapatrier en priorité les données les plus essentielles » à la compréhension d’Ultima Thulé.

L’ambition, en étudiant un astre de cette zone reculée du système solaire, est de mieux comprendre comment celui-ci s’est formé il y a 4,6 milliards d’années. « New Horizons est une machine à remonter le temps », a résumé Jeff Moore.

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