Gérald Darmanin, dans un centre des impôts, à Amiens, le 2 janvier. / PHILIPPE HUGUEN / AFP

Une fois de plus, Gérald Darmanin n’a pas ménagé ses efforts pour défendre le prélèvement à la source. De bon matin, mercredi 2 janvier, le lendemain de l’entrée en vigueur de cette réforme à laquelle son sort est désormais lié, le ministre de l’action et des comptes publics était dans un centre des impôts, à Amiens.

Entouré d’une nuée de caméras, de micros et de journalistes, Gérald Darmanin a salué les agents publics chargés de répondre par téléphone aux questions des contribuables. Comme à son habitude, le ministre n’a pas tardé à décrocher lui-même : « Bonjour, Madame… Oui, bonne année à vous… Ah, vous n’avez plus de revenus fonciers ? Quand avez-vous vendu cet appartement ? On peut prendre votre numéro fiscal ? Je vous passe ma collègue, qui va s’occuper de vous. » Hop !, c’est dans la boîte.

A chaque micro qui se tend, le VRP Darmanin répète sans se lasser : « Techniquement, nous sommes prêts » ; « c’est une grande réforme de simplification » ; « les agents sont au rendez-vous et le site Internet n’a pas buggé » ; « Il fallait bien que quelqu’un ait le courage, et ce fut Emmanuel Macron, de supprimer le décalage d’un an… »

Car, en effet, la réforme du prélèvement à la source ne change pas le montant de l’impôt sur le revenu, mais la manière dont celui-ci est collecté. Auparavant, chacun payait directement au fisc l’impôt sur les revenus de l’année précédente. Dorénavant, celui-ci sera attaché aux revenus de l’année en cours et prélevé directement par l’employeur ou par la caisse de retraite.

« Pas du tout inquiet »

Cette réforme qui touche 38 millions de foyers fiscaux, Emmanuel Macron l’a d’entrée de jeu reportée d’un an. Puis il a encore émis publiquement ses doutes à la fin de l’été dernier. Un crash industriel aurait des effets désastreux. Et comment réagiront les Français à la baisse mécanique de leur paye ? Vont-ils consommer moins ? Les enjeux politiques sont lourds. Si c’est la catastrophe, un homme en portera seul le fardeau : Gérald Darmanin. Si c’est une réussite, Emmanuel Macron se félicitera d’avoir accompli « une grande réforme de simplification ».

Au ministre, mercredi matin, les journalistes ont bien tenté d’arracher une pointe d’inquiétude. Mais non, Gérald Darmanin n’est « pas du tout inquiet ». Il l’a proclamé sur tous les tons et toutes les ondes. « Au président Chirac, on avait dit qu’il y aurait un bug en l’an 2000, a-t-il rappelé, bravache. Heureusement que l’on n’a pas cru tous ces gens parce que, sinon, il n’aurait jamais passé l’an 2000, le président Chirac… »

La petite troupe est ainsi passée de salle en salle dans une grande agitation. Et puis le ministre a de nouveau vanté cette « grande réforme de simplification » lors d’une conférence de presse, enchaîné deux « plateaux » pour des chaînes d’info en continu, avant de redescendre à l’accueil.

Manque de chance, il est alors tombé sur un jeune retraité qui n’arrivait pas à faire changer son taux de prélèvement, comme cela est théoriquement possible depuis le 2 janvier. « On va s’occuper de vous », a promis le ministre, tandis que le directeur du centre des impôts s’empressait de prendre en charge le fâcheux. Dommage, jusque-là, la séquence était parfaite. Mais Gérald Darmanin a programmé dix-sept déplacements sur le même thème en janvier.