Après les célébrations, en Grande-Bretagne, tout au long de l’année 2016, du 300e anniversaire de la naissance du « Le Nôtre anglais », Lancelot « Capability » Brown (1716-1783), une charmante exposition « révèle », à Londres, au Garden Museum, les talents de son successeur, Humphry Repton (1752-1818). Le premier doit sa célébrité au très grand nombre d’aménagements paysagers (plus de 170 réalisations) ayant mis en valeur les demeures et les domaines de la plus riche aristocratie anglaise. En rupture avec les jardins formels ou réguliers hérités des traditions italienne de la Renaissance ou française du Grand Siècle, les jardins de Prior Park, près de Bath, ou de Kew, près de Londres, cherchaient à imiter la nature en la magnifiant, tout en célébrant la fortune de leurs propriétaires – bien ou mal acquise, cela va sans dire.

La carte de visite d’Humphry Repton, « landscape gardener » (« jardinier paysagiste »), par Thomas Medland (1765-1833). / WIKIMEDIA COMMONS

Promontoire offrant une vue dégagée, grottes, cascades et plans d’eau artificiels, allées sinueuses et bouquets d’arbres isolés rendaient ainsi un hommage policé à cette nature qu’allaient exalter les penseurs du siècle des Lumières. C’est ce « pittoresque » né d’une assymétrie assumée, d’effets de surprise ou d’un exotisme à la mode qui sera la marque de fabrique des grands paysagistes anglais du XVIIIe siècle. A commencer par l’infatigable « Capability » Brown, mais aussi le plus modeste mais non moins intéressant Humphry Repton. Celui-ci faisait ses propositions d’aménagement paysager à ses commanditaires sous la forme d’aquarelles représentant l’état initial de leur domaine. C’est seulement en soulevant une languette peinte que le client pouvait voir le projet proposé, qui se trouvait ainsi « révélé ». Un peu à la manière de ces « Indiscrétions », des gravures... polissonnes que de riches amateurs de « curiosités » pouvaient découvrir en ouvrant des portes ou des fenêtres de papier, innocemment illustrées, elles (mais on ne trouvait cela qu’en France... bien sûr).

Vues du « Red Book » de Sundridge Park (1793), prêté pour l’exposition par City & Country, qui réhabilite pour une clientèle fortunée des demeures et des domaines historiques. / GARDEN MUSEUM

La singularité de l’œuvre de Repton, c’est d’avoir été ainsi consignée sous forme de croquis, de notes, mais surtout de ces aquarelles étonnantes, dans des ouvrages reliés, les « Red Books » (les « Carnets rouges »). Un certain nombre d’entre eux sont présentés dans les vitrines de l’exposition du Garden Museum et ont été prêtés pour l’occasion par de prestigieux propriétaires. Dont « Sa Majesté la reine », qui possède dans ses collections celui qui est consacré au Pavillon royal de Brighton, de style moghol, conçu pour le prince de Galles, le futur George IV (1762-1830), mais réalisé par l’architecte du cœur de Londres, John Nash. La déception d’avoir été plagié et supplanté par son ancien associé n’empêchera pas Repton de s’estimer, sans immodestie, à sa juste valeur : « Dans chaque endroit pour lequel j’ai été consulté, j’ai trouvé que j’avais une grande facilité à voir quasi immédiatement la façon dont il pouvait être amélioré. »

Le Garden Museum, qui occupe les espaces d’une ancienne église, a rouvert en 2017 après d’importants travaux de réfection. Doté d’un patio à la végétation exubérante attenant à une cafétéria primée pour ses qualités architecturales, il abrite de nombreuses activités en rapport avec l’histoire des jardins, mais aussi, bien sûr, avec le jardinage. Son dynamique directeur, fervent lecteur de Stendhal mais anglais jusqu’au bout des ongles, Christopher Woodward, anime cette institution unique située sur la rive sud de la Tamise, face à Westminster, et s’emploie à la faire vivre avec énergie. A commencer par le recours à une forme de mécénat originale – en plus du patronage du prince Charles lui-même, dont le portrait accueille les visiteurs du musée : une tombola dont le lot principal est une luxueuse réédition, en fac-similé, des fameux « Red Books ». Cerise sur le... pudding : au cœur de l’exposition, un documentaire sur Humphry Repton est projeté, dont le présentateur n’est autre que l’acteur bien-aimé (des deux côtés de la Tamise) Jeremy Irons.

« Repton Revealed » (jusqu’au 3 février 2019), au Garden Museum, Lambeth Palace Road, Londres. Entrée : 10 £ (réductions). Renseignements pratiques : gardenmuseum.org.uk/visit/