Des « gilets jaunes » manifestent devant un péage d’autoroute à Muret, près de Toulouse (Haute-Garonne), le 24 novembre 2018. / PASCAL PAVANI / AFP

L’équation est complexe, le calendrier périlleux. La ministre des transports, Elisabeth Borne, a reçu les sociétés d’autoroutes, vendredi 4 janvier, pour aborder les conséquences de la colère des « gilets jaunes » sur le réseau autoroutier et la hausse prochaine des tarifs des péages. Deux dossiers dont le télescopage pourrait faire des étincelles, alors que l’impact du prix des transports sur le pouvoir d’achat est l’un des premiers moteurs de la protestation. La ministre a appelé les concessionnaires à des gestes commerciaux, au nom de la défense du pouvoir d’achat.

D’un côté, « les dégradations et les perturbations » que subit le réseau autoroutier depuis le début du mouvement. « La réunion de vendredi avait d’abord pour objectif de faire le point sur les dégâts », indique-t-on au cabinet de Mme Borne. Selon les sociétés d’autoroutes, les dommages sur les barrières de péage et les pertes d’exploitation lors des opérations de péage gratuit se chiffrent en dizaines de millions d’euros.

De l’autre, la révision des prix des péages au 1er février 2019. La hausse annoncée depuis des mois comme exceptionnellement élevée aurait deux raisons : à la révision annuelle prévue dans les contrats de concession s’ajoutent le rattrapage, à partir de 2019, du gel des tarifs décidé en 2015 par Ségolène Royal, alors ministre de l’environnement, et le financement d’une large partie des 700 millions d’euros du plan d’investissement autoroutier décidé pendant le quinquennat de François Hollande. Résultat : une hausse moyenne des prix aux péages estimée à 1,8 % ou 1,9 % en 2019, contre 1,55 % en 2018.

« Prendre le temps de la discussion »

« La question des tarifs devait être évoquée vendredi, mais sans rien de conclusif : ce n’est pas l’urgence du moment, nous avons décidé de prendre le temps de la discussion », indique-t-on au ministère des transports. Le temps est pourtant compté : ces hausses sont inscrites dans des avenants aux contrats de concession. Des contrats « précis, clairs, contraignants et bien ficelés », rappelle-t-on chez Elisabeth Borne. Difficile pour l’Etat d’y échapper…

Comment éviter d’attiser la colère des « gilets jaunes », déjà convaincus que les sociétés d’autoroutes, qui totalisent 10 milliards d’euros de chiffre d’affaires, s’enrichissent à leurs dépens ? Quel effort demander aux dirigeants de Vinci, APRR (Eiffage) ou Sanef (Abertis), qui mettent en avant leurs pertes causées par les manifestants ?

Au ministère des transports, on écarte tout nouveau « gel » des tarifs, qui entraînerait des hausses ultérieures, une mesure jugée « contre-productive pour le pouvoir d’achat des usagers ». De son côté, le ministre des comptes publics, Gérald Darmanin, avait estimé le 20 décembre qu’il ne serait « pas très raisonnable » d’augmenter le prix des péages dans ce contexte social agité, appelant les sociétés à « ne pas donner de contre-signal aux Français ».

« Le gouvernement a invité les sociétés à entendre cette préoccupation pour le pouvoir d’achat et à faire des propositions », indique-t-on au ministère des transports. En clair, les concessionnaires sont incités à adapter leur politique tarifaire pour proposer un « geste commercial » aux usagers, notamment sur les déplacements du quotidien, comme les trajets entre le domicile et le travail.

Les sociétés autoroutières pourraient quant à elles mettre à nouveau dans la balance un lucratif allongement de la durée des concessions, déjà à l’étude : fin novembre, un rapport de l’inspection générale des finances et du conseil général de l’environnement et du développement durable préconisait de faire entretenir entre 200 et 300 kilomètres de routes nationales par les gestionnaires privés d’autoroutes, en les « adossant » au réseau concédé, en contrepartie d’une prolongation des contrats.