Des CRS sont venus vendredi 4 janvier débloquer le consulat malien de Bagnolet dont l’accès était bloqué depuis le 21 décembre. / Tancrède Chambraud

Il est 10 heures vendredi 4 janvier. Après deux semaines de blocage, les grilles du consulat malien de Bagnolet (Seine-Saint-Denis) s’ouvrent sous la protection d’une vingtaine de CRS.

Une dizaine de personnes, dossiers administratifs à la main s’engouffrent dans le bâtiment, soulagés. Ils viennent chercher des visas ou des papiers d’identité et n’avaient pas accès à l’administration de leur pays depuis le 21 décembre. Depuis cette date en effet, quelque 300 personnes se relaient chaque jour devant ces portes de six à dix-huit heures, bloquant tout accès.

La raison de cette manifestation se trouve à 6 000 kilomètres. Depuis le 19 décembre 2018, 86 personnes sont détenues au Mali, arrêtées à Konisga, un village de la région de Kayes. A cette date, en effet « la gendarmerie est entrée dans les maisons, en a sorti les habitants menacés par des tirs de lacrymogènes », racontent plusieurs membres de la diaspora, sur le parvis de Bagnolet. Ces Maliens de Paris et d’Ile de France veulent donc protester contre ces arrestations qu’ils estiment arbitraires.

Les 86 Maliens de Kayes, qu’ils connaissent et qui sont même parfois de leur famille, ont passé Noël en prison et c’est pour accélérer leur libération qu’une part de la communauté malienne de France a décidé de cette opération musclée de blocage. Ils estiment plus simple de faire pression sur les autorités de leur pays depuis la France que là-bas. D’autant que la première diaspora européenne réside ici, et notamment à Montreuil, commune voisine de Bagnolet.

Aux racines de cette affaire, il y a un vote, en 2016. Lors des élections communales à Konisga, le maire sortant est réélu, certes, mais avec 390 seulement voix sur un corps électoral de 3 000 votants. Ce taux d’abstention de 86 % oblige le préfet à invalider l’élection. Pourtant quelques jours plus tard, celui-ci fait volte-face et conforte le maire mal élu dans son fauteuil. Les villageois ne digèrent pas ce camouflet, mais bon an mal an la vie continue jusqu’au 15 décembre 2017, juste un an après. A cette date leur exaspération contre la gouvernance locale que certains disent corrompue, les pousse à investir la cour de la mairie pour faire entendre leur besoin de changement. Dans la confusion de leur expulsion par les forces de l’ordre quelques jours plus tard, un villageois est tué par balle et une dizaine sont blessés.

Depuis, l’affaire semblait enterrée. La vie semblait avoir repris son train dans le village de Konisga. Si ce n’était peut-être un climat lourd, tendu, et une enquête sur la mort du villageois qui se faisait attendre, expliquent aujourd’hui les membres du collectif Yélimané Dagakané, une association malienne de développement de la région créée par la diaspora à l’origine du mouvement de protestation de Bagnolet.

Le 21 décembre, ils ont décidé de réagir, de faire entendre ici la voix de là-bas. Et depuis cette date -fêtes comprises- ils se relaient devant le consulat malien en région parisienne, espérant bien ne lever le camp qu’au « Jusqu’à la libération des prisonniers » affirme Samba Kébé, secrétaire général de Yélimandé Dagakane, devant le bâtiment.

Une partie de la communauté malienne de Seine-saint Denis s’est mobilisée, au point que chaque jour des femmes viennent servir le mafé aux manifestants. Tupperware, assiettes et gobelets plastique passent de main en main pour lutter contre le froid ambiant. Jeudi, un imam de la mosquée voisine prend même la parole en Soninké pour dénoncer la situation et appeler à continuer le blocage…

Pourtant, ce vendredi 4 janvier, c’est la réouverture du consulat par intervention des forces de l’ordre. Un événement que n’avaient pas prévu les manifestants. « Lorsque j’ai rencontré l’ambassadeur à Paris, nous nous sommes mis d’accord que le consulat pourrait rouvrir à partir de lundi, le temps qu’il puisse travailler sur ce dossier. La réouverture ce vendredi n’était pas prévue », explique Samba Kebe.

Vendredi soir donc, le consulat avait repris son travail, mais les portes de la prison, elles, restaient fermées sur ses prisonniers.