Pour une fois, il y a eu un match. Fait inédit, deux candidats ont fait campagne jusqu’au bout pour se disputer la présidence de Provale, le syndicat des joueurs de rugby professionnels. Autant en 2014 Robins Tchale-Watchou avait été élu sans la moindre concurrence, autant lundi 7 janvier il a eu à écarter un adversaire, le dissident Laurent Baluc-Rittener, pour conserver son mandat : 35 voix pour, 30 contre, 6 abstentions.

« Il y a eu un débat passionné, mais pas de tensions », a voulu dédramatiser M. Tchale-Watchou, ancien deuxième ligne de Montpellier et de Perpignan, dans l’hôtel de Rungis (Val-de-Marne) où s’est tenu le scrutin. « Ça s’est joué à rien », estime M. Baluc-Rittener, ex-troisième ligne de Bourgoin et d’Albi. Par sa candidature, ce membre du comité directeur de Provale espère avoir « redonné un coup de vie » au syndicat.

Le scrutin, à main levée, était ouvert à tous les adhérents de Provale qui le désiraient. Et qui en avaient la possibilité, en ce jour de semaine les contraignant à manquer un entraînement pour aller voter. Au total, l’élection a donc réuni 71 adhérents, sur les 488 à jour de cotisation.

Questions budgétaires

Plus tôt dans la matinée, les votants avaient pourtant rejeté une modification des statuts de Provale que souhaitait Robins Tchale-Watchou : ce dernier désirait imposer un système de « grands électeurs » plutôt que la méthode « un adhérent présent = une voix ».

Ce scrutin devait d’abord se tenir le 24 septembre 2018, en marge de la « Nuit du rugby », le rendez-vous parisien qui marque chaque rentrée. S’il n’a finalement eu lieu que ce lundi, c’est pour que chaque candidat ait davantage le temps de développer son programme.

Les discussions ont, en réalité, surtout tourné autour d’un homme : le camp Baluc-Rittener a concentré ses critiques sur Robins Tchale-Watchou, et la gestion financière du syndicat, qui revendique cette saison un budget de 1,4 million d’euros.

En avril 2016, le commissaire aux comptes du syndicat mettait déjà en garde ce dernier. La lettre, mentionnée par le quotidien L’Equipe, et également consultée par Le Monde, soulignait un « déficit de l’ordre de 269 000 euros » à l’issue de l’exercice 2015-2016. Elle évoquait aussi des frais généraux et une masse salariale « en forte augmentation par rapport à l’exercice précédent », ainsi qu’un déficit prévisionnel de 250 000 euros pour la saison 2016-2017.

Lettre du comité d’éthique

Dans un courrier daté d’octobre 2018, le Comité fédéral d’éthique et de déontologie du rugby français a soulevé un autre point. L’instance avait été saisie par la Ligue nationale de rugby (LNR), entité chargée du secteur professionnel, pour se prononcer sur un éventuel conflit d’intérêts. En cause : la position de M. Tchale-Watchou, également directeur général de la société Vivendi Sports, qui appartient au groupe dont dépend la chaîne Canal +, détentrice des droits télévisés destinés à la retransmission du championnat de France.

« Dans l’hypothèse où la société anonyme Vivendi continuerait à collaborer directement ou indirectement avec la LNR », le Comité fédéral d’éthique a préconisé au dirigeant « de renoncer à occuper dans le même temps » ses deux fonctions, et donc de faire un choix pour l’une d’elles. Robins Tchale-Watchou, pour l’heure, préfère s’en abstenir.

Son nom revient souvent, aussi, parmi les candidats potentiels à la présidence de la Fédération nationale des associations et syndicats de sportifs (FNASS). Cette structure, dont il occupe déjà la vice-présidence, a finalement fixé son scrutin au 31 janvier. Quelle qu’en soit l’issue, le président de Provale assure qu’il ira « bien sûr » au terme de son nouveau mandat de quatre ans.

Deux équipes

Le capitaine et talonneur du XV de France, Guilhem Guirado, figurait parmi les colistiers de Tchale-Watchou. Il a été l’un de ceux qui ont fait le déplacement pour participer au vote. Tout comme le trois-quarts Mathieu Bastareaud, son coéquipier en équipe nationale comme à Toulon, même si ce dernier ne figurait sur aucune liste. Autre international français, le centre clermontois Rémi Lamerat se présentait sur la liste adverse.

Des joueuses étaient également présentes en ce jour d’élection, représentantes des équipes de France de rugby à 7 ou à XV. Beaucoup de joueuses. Parmi elles, Safi Ndiaye, déjà secrétaire générale du syndicat, pour Tchale-Watchou. Mais aussi Marjorie Mayans, pour Baluc-Rittener.