Photo de Rémi Fraisse, déposée devant un lycée parisien le 6 novembre 2014. / KENZO TRIBOUILLARD / AFP

Un gendarme ayant commis une infraction en mission de maintien de l’ordre doit-il relever de la justice ordinaire et non plus militaire ? La question, soulevée par la famille du militant écologiste Rémi Fraisse tué en 2014, a été examinée, mardi 8 janvier, par le Conseil constitutionnel, qui tranchera le 17 janvier.

Lors de la manifestation contre le barrage de Sivens, le 26 octobre 2014, sur le territoire de la commune de Lisle-sur-Tarn, dans le Tarn, Rémi Fraisse, 21 ans, avait été tué par une grenade explosive coincée entre son dos et son sac à dos. Les grenades offensives à l’origine du décès avaient été par la suite interdites.

Le gendarme auteur du tir, qui n’avait pas été mis en examen, avait bénéficié en janvier 2018 d’un non-lieu. Jean-Pierre Fraisse, le père du jeune militant, avait fait appel, mais cette procédure est suspendue dans l’attente de la décision de la question prioritaire de constitutionnalité (QPC). Estimant que la QPC présentait « un caractère sérieux », la Cour de cassation avait décidé le 16 octobre de la transmettre aux « sages ».

« Scorie d’un régime passé »

Jean-Pierre Fraisse et ses avocats, Arié Alimi et Patrice Spinosi, demandent l’abrogation « avec effet immédiat » des dispositions de l’article 697-1 du code de procédure pénale. Celles-ci donnent compétence aux juridictions militaires – plus restrictives pour les parties civiles selon eux – pour juger les « infractions commises dans le service du maintien de l’ordre » par des gendarmes. Ces dispositions « instituent une différence de traitement injustifiée » entre les victimes, selon que l’auteur des faits est un gendarme ou un policier, contraire au principe d’égalité inscrit dans la Constitution, soutiennent les requérants. Depuis la loi du 21 juillet 1982 qui supprime les tribunaux militaires, « le législateur s’emploie à supprimer les particularités du régime pénal appliqué aux militaires », a rappelé Me Spinosi.

Mais en cas d’infraction dans le cadre du maintien de l’ordre, alors que « les gendarmes et les policiers sont placés sous une même autorité civile », celle du ministère de l’intérieur ou du préfet, qu’ils ont « la même mission, le même statut, le même commandement », un policier sera jugé par une juridiction ordinaire contrairement au gendarme. « Cette juridiction d’exception est une scorie d’un régime passé qui n’a plus sa place dans notre droit contemporain », a déclaré Me Spinosi.

« Les juges d’instruction militaires ont systématiquement refusé toute demande d’acte de la partie civile, dont une reconstitution, qui est d’usage quand il y a mort d’homme », a déploré Me Alimi. Selon lui, une abrogation immédiate de l’article de loi incriminé remettrait en cause toute l’instruction et donc le non-lieu prononcé il y a un an.

Le fonctionnement de la justice française expliqué en quatre minutes
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