Sur le « Sea-Watch 3 », le 8 janvier. / DARRIN ZAMMIT LUPI / REUTERS

Cela fait respectivement dix-huit et dix jours qu’ils sont bloqués en mer au large de Malte. 49 migrants, sauvés au large de la Libye par deux bateaux d’ONG allemandes, Sea-Watch et Sea-Eye, sont retenus à bord faute de port prêt à les laisser débarquer. Leur situation en Méditerranée se dégrade : « On a des cas de personnes qui refusent de s’alimenter ou de boire, certains menacent d’entamer une grève de la faim, un homme ne prend plus son traitement médical alors qu’il a besoin de soins, énumère Giorgia Linardi, porte-parole de Sea-Watch, qui était à bord du bateau humanitaire mardi. C’est un miracle que la situation tienne toujours ».

Parmi les 32 personnes secourues par le Sea-Watch 3, majoritairement originaires d’Afrique subsaharienne, mais aussi de Libye et d’Égypte, figurent sept mineurs dont un enfant de onze mois. Vendredi 4 janvier, un homme s’est jeté à l’eau, pensant pouvoir rejoindre Malte à la nage, avant de se raviser. « Depuis, il reste allongé toute la journée, il ne parle à personne et ne fait rien, relate Giorgia Linardi. Ce sont des gens qui ont fui la Libye pour rechercher la liberté et ils se retrouvent dans une situation de détention. C’est d’autant plus traumatisant qu’ils sont au fait des débats qui ont cours entre les Etats européens ».

« Centre de débarquement »

Le premier ministre maltais, Joseph Muscat, a expliqué, dimanche 6 janvier, que s’il acceptait « que les deux navires débarquent sans clarifier les choses, ce sont les brutes qui gagneraient tandis que les pays comme Malte qui respectent les lois et sauvent des vies finiraient par en être victimes ».

Plus petit pays de l’UE, Malte est en première ligne pour les sauvetages de migrants arrivant de Libye depuis que l’Italie a fermé ses ports aux ONG, après l’arrivée de l’extrême droite au pouvoir, en juin 2018. Depuis, près de 1 500 migrants sont arrivés sur un archipel d’à peine 460 000 habitants et les autorités locales s’estiment débordées. « Ils voient aussi que certains pays n’ont pas respecté les engagements pris lors des précédents débarquements et qu’on leur laisse sur les bras les migrants qui ne relèvent pas de l’asile », analyse une source diplomatique française.

M. Muscat a ainsi expliqué dimanche qu’il ne veut pas que son pays devienne un « centre de débarquement ». Approuvée par les chefs d’Etat et de gouvernement européens en juin, cette solution n’a jamais pu être mise en application faute de pays candidats pour accueillir ces lieux destinés à accueillir et trier les migrants sauvés en mer avant de les répartir ailleurs en Europe au titre de l’asile. Selon plusieurs sources, La Valette bloque ainsi le débarquement des 49 migrants alors qu’un accord de répartition incluant plusieurs pays a déjà été trouvé. Mais M. Muscat aimerait que 249 autres migrants, sauvés par ses garde-côtes fin décembre 2018, soient inclus dans cette répartition et fait pression sur le Sea-Watch-3 et le navire de Sea-Eye pour obtenir un soutien européen.

« Discussions de marchands de tapis »

La réunion du Coreper (les représentants permanents auprès de l’UE) a examiné le dossier lundi soir et entendu la Commission européenne appeler, une fois encore, à « la solidarité et la responsabilité ». Mais elle n’arriverait pas encore à obtenir d’engagement pour 300 personnes. La France, l’Allemagne, les Pays-Bas, le Luxembourg, le Portugal, la Grèce et la Roumanie se sont dits prêts à en accepter, mais le compteur atteindrait mardi après-midi autour de 170 places, selon les informations du Monde. La Roumanie, qui assume depuis le début du mois la présidence tournante de l’Union, a ainsi avancé un chiffre assez bas : 5. « C’est peu, mais pas neutre », juge une autre source européenne : jusqu’ici, Bucarest campait sur des positions intransigeantes partagées par d’autres pays de l’est. L’Irlande a dit « étudier » la possibilité d’héberger des rescapés. La Suède pourrait aussi se joindre aux efforts. Mais la Suisse et la Belgique sont réticentes. De même que l’Espagne, alors que le détroit de Gibraltar est devenu la première voie d’entrée des migrants en Europe en 2018.

Dans un contexte où l’extrême droite est en progression un peu partout en Europe, Bruxelles éprouve de plus en plus de mal à trouver des pays candidats pour se répartir des migrants. « On en est à avoir des discussions de marchands de tapis », se désole une source diplomatique française. La Hongrie a ainsi encore appelé lundi, en plein Coreper à « l’éradication » de tous les facteurs qui contribuent à attirer des migrants vers l’Europe.

Quand à Matteo Salvini, l’homme à l’origine de ces situations de blocage systématiques, il multiplie les Tweet sur son sujet favori pour défendre une position intraitable, même si les garde-côtes italiens continuent, en réalité, d’opérer des sauvetages. « Les navires des ONG ont désobéi aux instructions des garde-côtes libyens (…). En Italie, les vrais réfugiés arrivent par avion, les clandestins arrivés par bateau sont trop nombreux. STOP ! », a tweeté le ministre de l’intérieur d’extrême droite.

Trente-deux migrants bloqués en mer sur le « Sea-Watch-3 » au large de Malte
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