Fanny Pigeaud, journaliste travaillant pour Mediapart, a été condamnée mardi 8 janvier pour diffamation pour son article « Comment le groupe Bolloré a ruiné deux entrepreneurs camerounais ». Dans cette enquête publiée en avril 2016 par le site d’information, la pigiste estimait que les deux associés s’étaient retrouvés ruinés parce que le groupe français n’avait pas respecté une décision de la justice camerounaise prise en 1993, l’intimant de payer à leur société des dommages et intérêts. Leurs marchandises, des plantes médicinales, avaient en effet été stockées par une filiale de Bolloré, la Socopao, et avaient subi une avarie, rendant le produit invendable. Son article évoquait notamment une « collusion » entre le pouvoir camerounais et le groupe du magnat breton.

Le tribunal correctionnel de Nanterre a condamné cette spécialiste de l’Afrique à une amende de 1 500 euros avec sursis. Le journaliste Edwy Plenel, poursuivi en tant que directeur de la publication, se voit infliger une amende de 1 500 euros ferme. Le tribunal a également condamné les deux prévenus à verser solidairement 2 000 euros à chaque partie civile – Vincent Bolloré et deux de ses entreprises, Bolloré SA et SAS Bolloré Africa Logistics – en dédommagement du préjudice d’image subi.

Mediapart devra en outre supprimer de son site les passages de l’article incriminés, sous peine d’astreinte. Dix des passages sur les onze visés par la plainte ont été considérés comme diffamatoires.

« Caractère incomplet de l’enquête »

A l’audience, le 4 décembre, le ministère public avait critiqué le sérieux de son enquête, estimant que l’article était « certes bien fondé, mais plutôt inopportun ». Le tribunal a repris mardi ces arguments à son compte, relevant notamment « le caractère incomplet de l’enquête » qu’il a considérée « à charge » et « non contradictoire ». « En tant que journaliste d’investigation », Mme Pigeaud « se devait d’être irréprochable dans son travail d’enquête », a insisté la présidente, estimant que les deux prévenus s’étaient montrés par conséquent « de mauvaise foi ».

La journaliste de 44 ans s’était défendue à l’audience en disant avoir tenté de joindre en vain le groupe Bolloré et ses conseils pendant près de trois semaines. Edwy Plenel avait pour sa part déclaré « assumer totalement cette publication » qui « évoque une affaire emblématique de ce qui se passe sur ce continent ». « Le groupe Bolloré est supra-étatique en Afrique. (…) Rien de ce que dit cet article n’est faux ou biaisé », avait-il asséné.