L’Euro 2018 de handball, en France, a été la dernière compétition de Loui Sand (ici face au Monténégro). / LOIC VENANCE / AFP

Depuis quelque temps déjà, Louise Sand se faisait appeler Loui. La Suédoise a porté le maillot jaune et bleu, pour la dernière fois, le 14 décembre 2018, lors du match contre la Norvège à Paris, en phase finale des championnats d’Europe de handball. Lundi 7 janvier, son club, Fleury Loiret, où elle évoluait dans l’équipe féminine depuis décembre 2017 après un passage à Brest, a annoncé son départ anticipé pour « raisons personnelles ». Dans un communiqué officiel succinct, Loui Sand, 26 ans, affirme vouloir « prendre soin » de sa personne et se « concentrer sur une nouvelle vie ».

Faire reconnaître une « dysphorie de genre »

Les fans de handball n’ont pas eu besoin d’attendre très longtemps pour connaître les raisons de sa retraite. Dans un podcast de sept minutes, diffusé en suédois lundi soir, l’ex-championne de Suède, avec le club de Sävehof, championne du monde junior en 2012 et médaillée de bronze aux championnats d’Europe en 2014, s’explique :

« Je vais très mal depuis quelque temps et j’ai toujours su pourquoi : je suis née dans le mauvais corps ! »

L’ex-handballeuse – qui souhaite être appelée Loui mais désignée au féminin – révèle avoir entamé un processus pour faire reconnaître une dysphorie de genre, un diagnostic établissant l’inadéquation entre le sexe assigné à la naissance et l’identité de genre, nécessaire pour obtenir un changement juridique de sexe.

Messages de soutien sur Instagram

« Si une inconnue de 26 ans s’était mise dans la file d’attente pour [faire reconnaître à l’hôpital] une dysphorie de genre, la plupart des gens ne l’auraient probablement pas remarquée. Mais je n’y parviendrai jamais, peu importe à quel point j’essaie. C’est pourquoi je choisis d’en parler à ma manière, avec mes propres mots », observe Loui Sand.

« Pourquoi je suis ainsi ? Adoptée, de peau noire, lesbienne, et désormais trans ? »

En Suède, ce témoignage a été immédiatement repris par tous les grands médias du royaume. En quelques heures, son compte Instagram a été bombardé de messages de soutien. Sur Twitter, la ministre des affaires sociales et des sports, Annika Strandhäll, a salué le « courage » et l’« importance » de ce coming out. Unanimes, les journalistes sportifs lui rendent également hommage, de même que ses coéquipières et de nombreux athlètes suédois. « Je trouve que c’est un très bel exemple et un bon symbole », déclare ainsi l’entraîneur de l’équipe suédoise de handball féminin, Henrik Signell, au quotidien Göteborg Posten. Il rappelle que Loui Sand n’a jamais hésité à parler de son homosexualité ou défendre « l’égale valeur de chacun ».

Née au Sri Lanka, adoptée par un couple de Suédois, Loui a grandi près de Göteborg et vit actuellement en couple avec l’internationale de football Emma Berglund, défenseure au PSG. Dans son podcast, Loui Sand s’interroge : « Pourquoi je suis ainsi ? Adoptée, de peau noire, lesbienne, et désormais trans ? »

Ne plus avoir à « mentir »

Si elle a décidé de parler, au risque de susciter « la haine », c’était d’abord pour ne plus avoir « à mentir », même si cela « aurait peut-être été plus simple ». Mais « je l’ai fait depuis trop longtemps ». Jamais à l’aise avec son prénom. Toujours habillée « en vêtements de mec » et « coiffée comme un garçon ». « Les gens m’ont aimée et acceptée comme j’étais. Mais je ne veux plus porter la haine de moi-même à cause du malaise que je ressens à propos et à l’intérieur de mon corps. »

« Dans un monde parfait, nous n’aurions même pas eu besoin d’en parler », Sofia B. Karlsson

Responsable de la formation à l’égalité et l’inclusion auprès de la Fédération suédoise des sports, Sofia B. Karlsson note que « dans un monde parfait, nous n’aurions même pas eu besoin d’en parler. Mais quand la société est comme elle est, chaque témoignage est important. »

Au printemps, Leon Reuterström, 21 ans, qui évoluait comme gardienne de l’équipe de hockey de Leksand lorsqu’il vivait sous une identité féminine et avec le prénom Denise, avait aussi mis un terme à sa carrière pour entamer une transition de genre.

Jusqu’en 2012, les transsexuels suédois souhaitant changer de sexe à l’état civil devaient subir une stérilisation forcée. Depuis 2013, les demandes ont été multipliées par sept (soit environ 450 en 2018). Dans une interview à la chaîne SVT, Loui Sand confie qu’elle suivra un traitement hormonal une fois la dysphorie de genre reconnue, mais ne souhaite pas révéler pour le moment si elle envisage une opération.

Sur sa page Facebook, l’équipe de Suède de handball salue « l’énorme courage » de Loui Sand et lui souhaite « bonne chance pour son prochain match, bien plus important que n’importe lequel joué sur un terrain de handball ». Concluant : « Pour nous, tu seras toujours Loui. Le roi Loui. »