Le premier ministre hongrois, Viktor Orban, à Budapest, le 10 janvier 2019. / ATTILA KISBENEDEK / AFP

Viktor Orban voulait-il donner des gages à Bruxelles, qui l’accuse de ne pas respecter la liberté de presse ? Entendait-il renouer le contact avec les journalistes, dans un contexte de fronde populaire et après des années d’isolement ? Ou bien, plus trivialement, le premier ministre hongrois souhaitait-il montrer à son ami et néanmoins concurrent, le ministre italien de l’intérieur, Matteo Salvini, en visite la veille en Pologne, qu’il n’entendait pas laisser ce dernier incarner la recomposition de la droite, en vue des européennes ?

Quelles qu’en soient les raisons, M. Orban s’est prêté à l’exercice de la conférence de presse, jeudi 10 janvier, à Budapest, offrant aux journalistes l’opportunité extrêmement rare de l’interroger. Deux heures durant, le chantre de « l’illibéralisme », au pouvoir depuis 2010, a répondu aux questions de rédacteurs hongrois et étrangers, rappelant qu’il entendait faire de la lutte contre toute forme d’immigration subie l’unique sujet de la campagne de son parti, le Fidesz, dans le cadre des élections européennes.

M. Orban a ainsi salué la création d’un « axe Rome-Varsovie » sur le sujet après la rencontre remarquée entre Matteo Salvini – « mon héros » – et du leader du parti Droit et justice polonais Jaroslaw Kaczynski. Concernant le président français, Emmanuel Macron, il a estimé « que si ce qu’il voulait se produisait réellement en Europe, ce serait mauvais pour la Hongrie ».

Il avait très bien préparé ses réponses, surjouant l’échange avec des médias d’ordinaire marginalisés. Mais sans doute ne s’attendait-il pas à autant d’interrogations concernant les graves soupçons de corruption dont fait l’objet son entourage le plus proche, sur lesquels le pouvoir refuse la plupart du temps de répondre.

« Le gouvernement lutte contre la corruption »

Habitué des interviews complaisantes par des médias proches du pouvoir, Viktor Orban a été cette fois-ci assailli de demandes de clarification, par exemple sur la manière dont son ami de longue date, Lorinc Meszaros, avait pu devenir l’homme le plus riche de Hongrie. Son beau-fils a lui aussi été évoqué plusieurs fois. Il est au cœur d’une enquête européenne portant sur des fraudes aux subventions, classée sans suite par une justice hongroise.

Patiemment, M.Orban s’est borné à répondre « qu’il n’interférait jamais dans les procédures européennes. Je suis pour une très stricte séparation entre les milieux politiques et économiques et le gouvernement ne se laisse pas entraîner dans les affaires. Il lutte contre la corruption ».

Selon Jozsef Péter Martin, le directeur exécutif de l’ONG Transparency International en Hongrie, pour le moment, Viktor Orban ne craindrait pas que les accusations de corruption soient en mesure de le mettre en danger politiquement. « La population ne refuse pas autant la corruption que l’on pourrait le souhaiter », tranche cet ancien rédacteur en chef d’un journal qui a été neutralisé en étant racheté par une proche du régime.

« En Hongrie, les gens se disent que de toute façon, la corruption a toujours existé. Les sondages montrent par ailleurs que 70 % des Hongrois s’informent prioritairement grâce à la radio et à la télévision, des médias qui ne sont pas libres, à deux exceptions natables : RTL et ATV. Enfin, la situation économique est stable, même si les bons résultats affichés sont court-termistes. »