Au port de Dieppe (Seine-Maritime), en octobre 2018. / CHARLY TRIBALLEAU / AFP

Urbanisme, environnement et patrimoine, victimes collatérales du Brexit ? En France, le ministère de la transition écologique et solidaire a mis en ligne sur son site, pour consultation publique, des projets d’ordonnance et de décret « portant diverses mesures dérogatoires » aux nombreux codes encadrant la construction et l’aménagement. Des textes qui accompagnent le projet de loi de préparation au Brexit, que les députés doivent adopter le 17 janvier.

La France s’apprête à rétablir en urgence les contrôles aux frontières avec le Royaume-Uni : en cas de Brexit « dur », sans accord, les inspections des marchandises et des voyageurs britanniques devront être opérationnels dès le 30 mars. Ce sont donc des bâtiments, des accès, des parkings qu’il faut aménager en urgence à tous les points de passage entre les deux pays.

Les besoins sont énormes : « La France constitue le premier point d’entrée continental des exportations britanniques », rappelle l’étude d’impact qui accompagne le projet de loi. En 2017, 747 millions de tonnes de marchandises, 5,2 millions de camions, ont transité avec le Royaume-Uni. Autant dire que les contrôles risquent de provoquer une paralysie géante si les infrastructures sont mal dimensionnées.

Procédures accélérées, recours quasi inexistants

Or, ces postes de contrôle sont aujourd’hui quasi inexistants. Certains ports disposent d’installations qui se révéleront vite trop petites, et de nombreux points d’entrée, de Roscoff (Finistère) à Dieppe (Seine-Maritime), n’en ont aucune. « Le gestionnaire du port de Dunkerque [Nord] estime que la construction de nouvelles installations représenterait un coût de 25 millions d’euros pour ce seul port », souligne l’étude d’impact.

Pour construire ces équipements en si peu de temps, le gouvernement se propose de faire fi de la plupart des règles qui encadrent d’ordinaire l’aménagement, l’urbanisme, la protection du patrimoine et de l’environnement, ainsi que la commande publique. En clair, les équipements pourront être réalisés à peu près sans permis de construire et sans concours de maîtrise d’œuvre, avec des procédures accélérées et des possibilités de recours quasi inexistantes pour les empêcheurs de bétonner en rond…

Quelques garde-fous sont quand même prévus : les projets affectant des sites naturels classés sont exclus de ces mesures dérogatoires. Et les lieux devront, au bout de deux ans, soit être « remis en état », soit avoir fait l’objet d’une autorisation « dans les conditions de droit commun ». Une régularisation a posteriori, en somme, comme il arrive pour des constructions illégales…