Des partisans de Nicolas Maduro, à Caracas, le 7 janvier. / YURI CORTEZ / AFP

Le président vénézuélien, Nicolas Maduro, commence jeudi 10 janvier un second mandat de six ans, avec un soupçon d’illégitimité qui fait présager un plus grand isolement international, dans ce pays en proie à la pire crise économique de son histoire récente.

M. Maduro prêtera serment devant la Cour suprême et non devant le Parlement, seule institution contrôlée par l’opposition, après une réélection, le 20 mai 2018, dont les résultats sont contestés par l’opposition, l’Union européenne, les Etats-Unis, le Canada et douze pays d’Amérique latine.

Les pays du « groupe de Lima » – treize nations d’Amérique latine et le Canada – ont annoncé, le 4 janvier, qu’ils ne reconnaîtront pas le deuxième mandat de Nicolas Maduro et l’ont appelé à y renoncer et à transférer ses pouvoirs exécutifs de manière provisoire à l’Assemblée nationale (AN) jusqu’à de nouvelles élections. Les pouvoirs de l’AN ont été confisqués par l’Assemblée nationale constituante (ANC), inféodée au régime. Cette instance a été élue le 30 juillet 2017 malgré le rejet de l’opposition, qui a boycotté le scrutin.

Le seul membre du Groupe de Lima à n’avoir pas signé la déclaration est le Mexique. Son président, Andrés Manuel Lopez Obrador, a dit préférer « ne pas intervenir dans la situation du Venezuela, car il s’agit d’une question que seuls les Vénézuéliens peuvent résoudre ».

Lima a annoncé, de son côté, que Nicolas Maduro et plusieurs membres de son gouvernement étaient désormais interdits d’entrée au Pérou.

« Défendre le Venezuela jusqu’au bout »

« Qu’ils me cherchent et je saurai me défendre », a mis en garde le président vénézuélien, dont le gouvernement a multiplié ces derniers mois les rapprochements diplomatiques avec ses alliés russe, chinois, iranien, turc et nord-coréen.

Le 6 décembre, Nicolas Maduro s’était rendu à Moscou, où il avait rencontré Vladimir Poutine et signé des contrats d’investissements russes au Venezuela pour un montant de 6 milliards de dollars. Quelques jours plus tard, une flotte d’avions militaires russes, dont deux Tupolev 160 – un bombardier supersonique capable de transporter des ogives nucléaires – était arrivée à Caracas dans le cadre d’exercices militaires conjoints. « Nous nous préparons à défendre le Venezuela jusqu’au bout quand le moment sera venu », avait déclaré le ministre de la défense vénézuélien, Vladimir Padrino.

Ce nouveau mandat coïncide avec l’entrée en fonctions au Brésil du président d’extrême droite Jair Bolsonaro, le 1er janvier, qui devrait prendre la tête d’une coalition régionale, soutenue par les Etats-Unis, pour s’opposer à un régime qu’il qualifie de « dictatorial ».

Les observateurs s’attendent à une augmentation de la pression internationale sur le chef de l’Etat de 56 ans. Jeudi, au moment de l’investiture, l’Organisation des Etats américains (OEA) doit tenir une session extraordinaire sur la situation au Venezuela. Son secrétaire général, Luis Almagro, avait déclaré en septembre qu’il ne fallait pas exclure une « intervention militaire » au Venezuela pour « renverser » le gouvernement de M. Maduro. Au Venezuela, une partie de l’opposition de droite appelle de ses vœux une intervention extérieure.

Mercredi 9 janvier, l’ONG américaine Human Rights Watch et sa consœur vénézuélienne Foro Penal ont publié un rapport dans lequel elles dénoncent le fait que des dizaines de militaires vénézuéliens, accusés de conspirer contre le gouvernement, ont été arrêtés et torturés ces dernières années.

Plus de 170 soldats arrêtés

Les deux ONG détaillent 32 dossiers décrivant la façon dont des soldats accusés de complot ont été frappés, asphyxiés et électrocutés après leur interpellation par les agents des Services de renseignement nationaux bolivariens (Sebin) et de la Direction générale du contre-espionnage militaire (DGCIM). Faute d’obtenir assez d’informations, ces agents s’en sont pris dans certains cas à des proches des militaires, ajoutent les organisations.

Plus de 170 soldats ont été arrêtés dans les premiers mois de 2018 pour trahison, rébellion ou désertion. Cinq Etats latino-américains et le Canada ont annoncé en septembre avoir demandé à la Cour pénale internationale d’enquêter sur des accusations de crimes contre l’humanité visant les autorités de Caracas.

Le panorama est sombre pour un pays non seulement isolé, mais aussi ruiné : la population, qui doit faire face à des pénuries alimentaires et de médicaments, est épuisée par une hyperinflation qui a atteint 1 350 000 % en 2018. L’ONU estime que, depuis 2015, environ 2,3 millions de Vénézuéliens ont fui leur pays, et prévoit que ce chiffre grimpe à 5,3 millions en 2019 à cause de la débâcle économique.

Face à l’écroulement de la production pétrolière du pays – fort pourtant des plus grandes réserves du monde –, à 1,17 million de barils par jour contre 3,2 millions en 2008, M. Maduro a invité ses alliés à investir, non seulement dans le brut, mais aussi dans l’or, le diamant et le coltan.

Hémorragie d’opposants

Les adversaires de M. Maduro ont tout tenté pour l’évincer : manifestations – qui ont fait près de 200 morts –, un référendum révocatoire bloqué par la justice, d’intenses tractations pour la mise en œuvre de sanctions internationales… Mais l’opposition est engluée dans des luttes de pouvoir. Ses principales figures sont en prison ou en exil.

Et l’hémorragie n’est pas près de se tarir. Dimanche 6 janvier, la Cour suprême a déploré qu’un de ses magistrats, Christian Zerpa, avait fui le pays. Selon l’institution, le juge voulait échapper à des accusations de violences sexuelles. Mais celui-ci a affirmé, depuis les Etats-Unis où il a demandé l’asile, être parti pour éviter de devoir valider le nouveau mandat de Nicolas Maduro, qui doit prêter serment devant la Cour.

M. Maduro, a-t-il affirmé, « ne mérite pas une seconde chance car l’élection pendant laquelle il a soi-disant été élu n’a pas été libre ». La Cour suprême, a-t-il ajouté, « n’agit pas de manière indépendante et n’est qu’un appendice de l’exécutif ».