Un avion de Joon sur le tarmac de l’aéroport Roissy-Charles-de-Gaulle, au nord de Paris, en août 2018. / JOEL SAGET / AFP

Joon ne passera pas l’année 2019. La compagnie à bas coûts, lancée il y a à peine treize mois par Air France, va disparaître. Au terme de discussions amorcées mi-novembre, Ben Smith, le directeur général d’Air France-KLM, et les trois syndicats représentatifs des personnels navigants commerciaux (PNC) d’Air France – le SNPNC, l’UNAC et l’UNSA-PNC – sont parvenus, jeudi 10 janvier, à un accord portant sur « l’intégration des salariés et des avions de Joon au sein d’Air France ».

Cette décision est tout sauf une surprise. Depuis son arrivée aux commandes, le nouveau patron de la compagnie franco-néerlandaise n’a jamais dissimulé le fait qu’il n’appréciait pas la création de Joon. En interne, rapporte un administrateur de la compagnie, il la considère comme « une verrue ». Il plaide en outre pour « une simplification des marques », trop nombreuses à son goût au sein du groupe où cohabitent, Air France, Hop !, Joon, Transavia et KLM.

Cette profusion ne manque pas de perturber la clientèle. « La multiplicité des marques a créé de la complexité et a malheureusement affaibli la puissance de la marque Air France », a regretté la direction. « Les clients n’arrivent pas à voir la cohérence entre Joon et Air France », analyse Christelle Auster, secrétaire générale du Syndicat national du personnel navigant commercial (SNPNC) d’Air France.

Lancée par Jean-Marc Janaillac, prédécesseur de Ben Smith, Joon était une compagnie hybride. Grâce à ses coûts de fonctionnement réduits de 13 % par rapport à ceux de sa maison mère, elle avait pour principale mission d’aider Air France à rentabiliser ses lignes déficitaires. Un objectif atteint notamment avec l’embauche de centaines d’hôtesses et de stewards à des conditions salariales bien inférieures à celles de leurs homologues d’Air France. Cette décision a sans doute coûté son poste à M. Janaillac. A l’occasion de la consultation, organisée en mai 2018 auprès des personnels d’Air France, les PNC de la compagnie avaient voté en masse contre l’accord salarial proposé par l’ancien PDG, qui avait dû démissionner.

Sur le papier, Joon a jusqu’ici rempli sa mission. La jeune compagnie est devenue bénéficiaire, avec un taux de remplissage proche de 90 % et une hausse de 5 % du nombre de ses passagers sur ses vols moyen-courriers. Mais ce résultat est en trompe-l’œil, note Mme Auster. « Air France supportait toute l’infrastructure et les coûts, tandis que les recettes allaient à Joon », explique-t-elle. L’été dernier, les syndicats de PNC d’Air France avaient alerté sur les conditions et la souffrance au travail de leurs homologues de Joon. Ces derniers dénonçaient des plannings surchargés liés notamment à la montée en puissance de la compagnie.

Positionnement sur les « voyages à haute contribution »

Selon les termes de l’accord conclu avec la direction, les 600 hôtesses et stewards de Joon « seront intégrés dans Air France au niveau de rémunération des PNC d’Air France », souligne Mme Auster. Toutefois, précise la secrétaire générale, « leur carrière sera ralentie pendant trois ans ». Une « nouvelle condition de rémunération qui s’appliquera à tous les PNC qui seront embauchés à l’avenir », ajoute-t-elle.

« Un donnant-donnant » qui satisfait les trois syndicats représentatifs des hôtesses et stewards d’Air France. Pour Mme Auster, cet accord marque « la fin du conflit permanent » entre les syndicats et la direction d’Air France, qui perdurait depuis plusieurs années. Selon elle, il marque surtout « la volonté de Ben Smith de rétablir un dialogue social apaisé avec toutes les catégories de personnels ».

La fin programmée de Joon est aussi un signal envoyé par le nouveau patron au niveau interne comme en direction des clients. Dans un courriel adressé aux salariés, mercredi 9 janvier, M. Smith a précisé qu’Air France allait se positionner sur les « voyages à haute contribution », c’est-à-dire les passagers qui rapportent le plus.

Cette « montée en gamme », accompagnée par une « volonté d’harmonisation », signale Mme Auster, sera illustrée par un accroissement du nombre de sièges de première classe, de classe affaires et de Premium Economy. Et ce, « pour augmenter la recette », notamment sur les lignes intérieures, relève la syndicaliste. Ben Smith a ainsi affirmé sa volonté « de mettre des produits très français dans les avions d’Air France, même si cela coûte cher », ajoute la secrétaire générale du SNPNC. A l’exemple des vins, fromages, beurres de renom et de grandes marques qui retrouveront leur place en cabine.

Après Joon, qui devrait fusionner avec Air France en avril, M. Smith devrait s’attaquer à Hop !, la filiale dévolue aux vols régionaux. La marque devrait être conservée, mais la direction veut « rationaliser la flotte qui, avec trois types d’avions, est jugée trop coûteuse », conclut Mme Auster.