Le stand Withings, lors de l’édition 2015 du CES de Las Vegas. / ROBYN BECK / AFP

Au Consumer Electronics Show (CES) de Las Vegas (Nevada), qui se tient jusqu’au vendredi 11 janvier, l’innovation n’est, heureusement, pas seulement au service du divertissement, de télévisions toujours plus grandes ou de casques audio plus performants. Les progrès de la technologie s’y révèlent également en faveur de causes plus utiles telles que l’e-santé. Dans cette catégorie, plusieurs start-up françaises ont pu y présenter des solutions intéressantes de prévention ou de suivi des pathologies.

Parmi les acteurs les plus connus, le fabricant de montres connectés Withings a notamment dévoilé le BPM Core, un brassard associant tensiomètre, électrocardiogramme et stéthoscope électronique. L’entreprise française, qui était, un temps, passé dans le giron de Nokia, a également présenté une montre permettant de réaliser des électrocardiogrammes, dont la précision est censée permettre de détecter les épisodes de troubles du rythme cardiaque.

Derrière cette société déjà bien installée de la santé connectée, des start-up tricolores sont venues tenter leur chance : Healsy avec une solution de prédiction de glycémie pour les diabétiques, WitMonki, qui développe un outil de suivi des troubles du rythme cardiaque de la taille d’une carte de crédit, Devinnova, qui propose un pack de monitoring des systèmes vitaux à partir d’un dispositif appliqué pendant une semaine sur le plexus, et bien d’autres encore…

« La certification, le nerf de la guerre »

Les technologies employées sont parfois surprenantes, comme chez Rx-Blood, qui utilise la caméra d’un iPhone pour effectuer des analyses de sang. Mais toutes profitent de l’intelligence artificielle pour augmenter les capacités d’analyses des données de santé.

Que viennent chercher ces entreprises au CES ? On penserait volontiers qu’elles souhaitent venir à l’assaut d’un marché américain séduisant. « C’est le plus grand marché pour les maladies cardiovasculaires », convient Stéphane Delliaux, de WitMonki. « Un marché où il est plus facile de faire de gros volumes », abonde Nicolas Caleca, de Healsy, alors que le marché européen est beaucoup plus fragmenté – ne serait-ce que pour proposer des modes d’emploi dans chaque langue, sans parler des législations, qui varient d’un Etat à l’autre.

Comme l’explique Stéphane Delliaux, « la certification, c’est le nerf de la guerre ». Or, aujourd’hui, la plupart des solutions proposées en France n’ont pas l’agrément qui leur permettrait de se revendiquer comme outils médicaux à proprement parler, et de réclamer, à ce titre, un remboursement par la Sécurité sociale… un vrai boost pour leur activité. « Il faut réussir à démontrer un vrai bénéfice pour la société », souligne ce Marseillais, qui partage son temps entre sa start-up et son métier de médecin physiologiste, et espère obtenir ce graal d’ici au troisième trimestre.

« Convaincre les médecins »

De ce point de vue, l’exemple américain semble séduisant, qui promeut, par le biais des assureurs, les mutuelles et, parfois, les entreprises, l’utilisation d’outils de l’e-santé (montres ou balances connectées, par exemple) pour prévenir les maladies. Un modèle que bon nombre de ces entreprises aimeraient voir répliqué en France, arguant que « prévenir est toujours mieux que de guérir », autant pour le patient qu’en termes de coût pour la société. La RATP serait notamment intéressée par la solution d’Healsy, qui permettrait de réduire les arrêts de travail liés aux ennuis de santé des personnes atteintes de diabète, une pathologie qui toucherait environ 10 % de la population adulte dans le monde.

Pour faire bouger les lignes, ces entreprises, qui aimeraient bien souvent s’adresser directement au client final – le patient –, savent qu’il leur faut d’abord convaincre les praticiens médicaux. « En France, certains ont peur que les dispositifs de l’e-santé fassent de l’ombre aux médecins. C’est pour cela que c’est une population [les médecins] qu’on veut absolument convaincre », témoigne Nicolas Caleca. « Nous souhaitons nous ancrer dans la pratique médicale d’aujourd’hui, pour la transformer de l’intérieur », plaide, pour sa part, M. Delliaux, en insistant sur le fait que sa solution n’a absolument pas vocation à contourner les praticiens.

Des problèmes de financements

S’inspirant de l’exemple américain, certains veulent également s’appuyer sur l’influence des associations de patients pour réussir leur percée. Le sentiment est toutefois que les autorités françaises prennent progressivement conscience des bénéfices que pourrait apporter l’e-santé. « En France, il y a aujourd’hui une vraie volonté de pousser l’innovation, notamment en réduisant le coût d’entrée pour permettre des essais, en toute sécurité », estime ainsi M. Caleca.

Mais un autre obstacle reste à lever. Plusieurs de ces start-up de l’e-santé rencontrées à Las Vegas ont d’abord fait le voyage dans le Nevada pour accélérer leurs levées de fonds. Dans le cadre réglementaire actuel, certaines peinent à se financer en France : « Les investisseurs vous disent : “revenez quand vous aurez la certification”, mais, ce jour-là, on n’aura plus besoin d’eux pour entrer sur le marché », témoigne M. Delliaux.