Le secrétaire d’Etat Mike Pompeo lors de sa visite à la nouvelle cathédrale de la Nativité, au Caire, le 10 janvier. / Andrew Caballero-Reynolds / AP

En tournée au Moyen-Orient, le secrétaire d’Etat américain, Mike Pompeo, a profité d’une étape au Caire, jeudi 10 janvier, pour annoncer un « réel nouveau départ » dans les relations entre Washington et ses alliés arabes. L’expression n’était pas choisie au hasard puisqu’il s’agissait du thème du discours prononcé par le prédécesseur de Donald Trump, Barack Obama, également au Caire, en juin 2009. Ce dernier avait voulu parler aux peuples plutôt qu’à leurs dirigeants. Mike Pompeo a fait le choix inverse.

A l’époque, le président des Etats-Unis avait jugé nécessaire de tendre la main aux pays de la région après le désastre de l’invasion de l’Irak, en 2003, accompagnée par les errements de la guerre contre le terrorisme, symbolisés par la prison de Guantanamo et les geôles secrètes de la CIA.

Mike Pompeo, qui n’a mentionné ni l’un ni les autres, a accablé l’administration précédente, dénoncée comme « timide » et entravée selon lui par un sentiment de « honte ». Il l’a accusée d’avoir renoncé à son influence en se désengageant de la région, au grand dam de ses alliés et au bénéfice de ses ennemis iraniens et djihadistes.

Ce temps est révolu, a assuré le secrétaire d’Etat, annonçant le retour des Etats-Unis « revigorés » et présentés comme « une force du bien ».

« Nous avons appris que, lorsque l’Amérique se retire, le chaos s’ensuit. Lorsque nous négligeons nos amis, le ressentiment augmente. Et lorsque nous nous associons à des ennemis, ils avancent. »

« Diplomatie » et « travail avec les alliés »

Mike Pompeo a appelé à une union sacrée qui rassemblerait les principaux pays sunnites et Israël face à la République islamique iranienne. La lutte contre cette dernière a été érigée en priorité, éclipsant presque le combat contre les organisations terroristes inspirées du djihadisme.

La difficulté, pour le secrétaire d’Etat, consistait à défendre cette perspective tout en confirmant le retrait annoncé des forces spéciales américaines déployées dans le nord-est de la Syrie. Ces forces y luttent contre les dernières positions tenues par l’organisation Etat islamique tout en tentant de limiter l’influence de l’Iran. Cet objectif a été ajouté en septembre 2018 par le conseiller à la sécurité nationale de Donald Trump, John Bolton, et l’annonce brutale de retrait faite par le président, en décembre, a semblé le contredire.

Venu dans la région précisément pour rassurer les alliés sunnites de Washington, Mike Pompeo a expliqué que les Etats-Unis « ne se retireront pas » de la lutte contre les djihadistes, menée sous d’autres formes, tant qu’elle ne sera pas achevée. De même, ils useront désormais, a-t-il assuré, de « la diplomatie » et « du travail avec nos alliés pour chasser » les miliciens iraniens de Syrie.

Le discours du secrétaire d’Etat n’a pas été sans angles morts. Contrairement à Barack Obama, qui avait détaillé les soubassements d’un accord de paix israélo-palestinien, Mike Pompeo n’a consacré qu’une phrase laconique à un objectif qui semble désormais hors d’atteinte. Il a préféré s’appesantir sur les gages donnés par Washington à son allié israélien, à commencer par le transfert unilatéral, et sans contreparties, de l’ambassade américaine de Tel Aviv à Jérusalem.

Hommages appuyés à Al-Sissi

La question des droits de l’homme, présentés dix ans plus tôt non pas comme des valeurs américaines mais universelles, n’a constitué qu’une portion congrue de l’intervention du secrétaire d’Etat. Après les espoirs déçus des « printemps arabes », Mike Pompeo n’a d’ailleurs utilisé qu’une seule fois le mot « démocratie », et uniquement pour décrire l’Irak.

Le sort des libertés n’a été traité que par le prisme de la religion, un thème particulièrement sensible pour les électeurs évangéliques de Donald Trump. Le secrétaire d’Etat s’est notamment félicité de l’inauguration d’une cathédrale dans la grande banlieue du Caire, il est vrai dans un pays qui compte l’une des plus importantes minorités chrétiennes de la région, et où il s’est rendu après son intervention.

Les hommages appuyés adressés au président égyptien, Abdel Fatah Al-Sissi, n’ont été accompagnés que d’un discret appel « à promouvoir un échange d’idées libre et ouvert », en dépit d’une répression implacable. « Les progrès réalisés à ce jour peuvent continuer », a assuré Mike Pompeo, alors que son hôte a tenté d’interdire la diffusion d’un entretien accordé à la chaîne CBS dans lequel il avait nié l’existence du moindre prisonnier politique.