Une fresque murale de Banksy, à Douvres, le 7 janvier. / GLYN KIRK / AFP

Pas plus qu’au Royaume-Uni, les Européens ne savent ce qui va se passer après le vote du 15 janvier. Que va-t-il arriver dans la foulée du rejet très probable de l’accord négocié entre Bruxelles et le gouvernement May, « le meilleur possible » selon la première ministre britannique et Michel Barnier, le négociateur en chef de l’UE ? « Honnêtement, je n’en sais absolument rien », répètent les diplomates, dans un aveu d’impuissance très inhabituel à Bruxelles.

« De mémoire d’Européen, on n’a jamais connu une situation aussi déroutante », confie l’un d’eux. Les crises grecques, de l’euro ou de la migration comportaient leur part d’incertitude, mais au moins il était possible, discrètement, d’élaborer des plans B. Là, à part se préparer au « no deal », c’est assez vain tant le processus leur échappe. Tout va dépendre de l’ampleur de la défaite attendue de Theresa May, et de la dynamique politique qui s’ensuivra à Londres.

Ces derniers jours cependant, la Commission a multiplié les signaux. Jean-Claude Juncker, son président, a promis vendredi 11 janvier que « tous les efforts » devaient être faits pour éviter le scénario d’un « no deal ». Le Luxembourgeois a assuré que la Commission et lui-même étaient en contact « en continu » avec Downing Street. « Laissez-moi faire », a ajouté M. Juncker, qui a refusé d’entrer dans les détails auprès des journalistes.

La Commission pourrait renvoyer lundi 14 janvier, la veille du vote crucial, un courrier à Mme May l’assurant une nouvelle fois que le très controversé « backstop », l’assurance incluse dans le traité du divorce contre le retour d’une frontière physique en Irlande, ne devait être que temporaire et disparaître dès que Londres et Bruxelles auront bouclé un accord de libre-échange. Lors du conseil européen de mi-décembre, les Vingt-Sept avaient déjà promis que ce « backstop » n’avait qu’une vocation « temporaire » et qu’il serait caduc dès qu’un accord de libre-échange entre l’UE et le Royaume-Uni aurait été conclu. L’Union déploiera ses « meilleurs efforts » pour conclure « rapidement » cet accord commercial, précisaient les conclusions de ce rendez-vous.

« Bonne volonté »

Comment pousser plus loin ces engagements, sachant que ce « backstop » ne peut être expressément limité dans le temps, sous peine de perdre son caractère d’assurance tous risques ? Sachant également que cette éventuelle lettre ne peut avoir aucune valeur juridique – les Vingt-Sept ayant refusé unanimement de renégocier le traité du Brexit conclu en novembre ? « La lettre servira surtout à prouver la bonne volonté des Européens », estime un diplomate bruxellois, sans trop d’illusions.

La seule hypothèse qui monte vraiment à Bruxelles, c’est que les Britanniques pourraient devoir réclamer une extension de l’article 50 au-delà du fatidique 29 mars. Les Vingt-Sept devraient en accepter le principe à l’unanimité mais c’est moins cette étape qui les préoccupe – il est entendu qu’ils donneront leur feu vert – que la question des élections européennes qui auront lieu fin mai.

Que faire si les Britanniques réclament une extension de la période de négociation du divorce au-delà de ce scrutin crucial ? Comment éviter que le Royaume-Uni, s’il est toujours membre de l’Union, participe lui aussi aux élections, et envoie de nouveau des élus à Strasbourg pour cinq ans, alors que le pays est sur le départ ? La situation serait ubuesque « mais on a fait travailler nos experts, et pour l’instant on n’a trouvé aucune solution », confient plusieurs diplomates. D’ordinaire, les Européens font preuve d’une impressionnante créativité en matière légale ; mais en l’espèce, ils sèchent.