C’est l’un des quatre thèmes du grand débat national, mais aussi le point de départ de la colère des « gilets jaunes », avec le refus de la hausse de la taxe carbone. La transition écologique va donc être (re)discutée par les Français, car, assure le président de la République, elle est « essentielle à notre avenir ». « Je pense toujours que l’épuisement des ressources naturelles et le dérèglement climatique nous obligent à repenser notre modèle de développement », écrit Emmanuel Macron. Un thème délicat qui pourrait faire les frais de la colère exprimée ces dernières semaines : le syndicat agricole FNSEA a très vite demandé que l’on revienne sur l’interdiction du glyphosate, tout comme la CGT a posé la question d’un « moratoire » sur la fermeture des centrales à charbon programmée d’ici à 2022. Délicat aussi au vu du succès de la pétition « L’affaire du siècle », qui, avec plus de deux millions de signatures mi-janvier, propose de poursuivre devant la justice les autorités françaises pour inaction dans la lutte contre le réchauffement climatique.

S’il insiste sur la « nécessité d’agir vite », le chef de l’Etat ne se montre guère précis quant aux questions qu’il importe de traiter, bien moins que pour les autres sujets soumis à discussion, tel la citoyenneté par exemple. Sur le financement de la transition écologique, il se contente d’énumérer l’impôt, les taxes sans citer explicitement la taxe carbone. Pour que la hausse de cette taxe – l’une des promesses d’Emmanuel Macron – reprenne son cours, il faut qu’elle soit réintroduite dans la prochaine loi de finances pour 2020, car elle a été supprimée de celle pour 2019.

Pataquès du glyphosate

Dans un entretien au Monde du 10 janvier, Emmanuelle Wargon, secrétaire d’Etat auprès du ministre de la transition écologique et solidaire, avait précisé que cela dépendrait du grand débat. « La hausse de la taxe carbone ne peut pas reprendre en 2020 si elle ne fait pas l’objet d’un consensus. (…) Faut-il une fiscalité sur les énergies fossiles ? Si oui, à quelles conditions sera-t-elle acceptable ? », interrogeait-elle. Dans son courrier, Emmanuel Macron ne cite pas non plus, ce qui est apparu dans certaines des protestations des « gilets jaunes », le manque de transparence sur l’affectation du produit de ces taxes.

Sur les problématiques de transport, de chauffage ou d’alimentation, le chef de l’Etat évoque des solutions locales sans autre précision. Par quels moyens le remplacement des vieilles voitures et chaudières peut-il devenir « accessible à tous » ? Avec des « solutions plus simples et plus accessibles ». Un sujet sur lequel le gouvernement vante l’augmentation des aides, le premier ministre ayant annoncé en novembre que la prime serait portée à 4 000, voire 5 000 euros, en cas d’acquisition d’un véhicule électrique.

Le président aborde aussi la question spécifique de la biodiversité, « qui se pose aussi à nous tous ». Ce faisant, il livre une des phrases les plus cryptées de son texte. La question posée n’est pas celle de préserver ou non la biodiversité. Le débat est cadré dans son aspect le plus technocratique. « Comment devons-nous garantir scientifiquement les choix que nous devons faire à cet égard ? Comment faire partager ces choix à l’échelon européen et international pour que nos agriculteurs et nos industriels ne soient pas pénalisés par rapport à leurs concurrents étrangers ? »

En creux, M. Macron admet que l’une des causes majeures de l’érosion de la biodiversité est l’utilisation des pesticides de synthèse en agriculture, mais il réduit la question à son aspect le plus insoluble : la difficulté à imposer aux autres Etats les choix de restreindre telle molécule de manière à ne pas desservir la compétitivité des sociétés et des exploitants français.

Le chef de l’Etat semble ainsi exclure de facto d’autres solutions comme la mise en place de mesures d’accompagnement et d’aide aux filières affectées par des mesures prises en France seulement. La référence implicite au pataquès du glyphosate est claire. En novembre 2017, Emmanuel Macron assurait dans un Tweet que le célèbre herbicide serait interdit en France « au plus tard dans trois ans ». Quelques mois plus tard, la décision du gouvernement de s’opposer à l’inscription de cette mesure dans la loi sur l’agriculture et l’alimentation, votée en octobre 2018, a été vécue par l’opinion comme un rétropédalage, voire un parjure.