La chancelière allemande, Angela Merkel, le 11 janvier à Athènes. / COSTAS BALTAS / REUTERS

L’économie allemande cale. Selon les chiffres publiés mardi matin par l’institut de statistiques Destatis, la croissance s’est limitée à 1,5 % en 2018, contre 2,2 % en 2017, et 2,2% en 2016. C’est la neuvième année de croissance consécutive. Au vu de ce chiffre, la première économie de la zone euro devrait avoir évité la récession. Selon les calculs des économistes l’activité a dû progresser en Allemagne entre 0,1 et 0,3 % au quatrième trimestre, après une contraction de 0,2 % les trois mois précédents.

Le coup de froid qui s’est abattu sur le pays depuis l’été a été nettement plus sérieux que ne le prévoyaient les économistes. Il est essentiellement lié à des effets exceptionnels : les difficultés de l’industrie automobile, empêtrée dans les problèmes de la nouvelle norme WLTP, d’homologation des véhicules, qui ont fait chuter la production, et la sécheresse de l’été, qui a fait baisser le niveau du Rhin, perturbant les chaînes logistiques. Le « made in Germany » a par ailleurs souffert de la faiblesse du commerce mondial et des incertitudes géopolitiques – le conflit douanier sino-américain et, surtout, le Brexit – qui ont pénalisé l’investissement.

« Dans l’industrie, on peut parler de faiblesse marquée, voire de récession, c’est aussi un phénomène mondial », estime Timo Wollmershäuser, économiste à l’institut de Munich Ifo. « Mais la faiblesse générale de l’économie allemande au second semestre 2018 est temporaire, car la conjoncture intérieure est prospère : la consommation est forte, ainsi que les services et la construction. Ces soutiens à la croissance vont se maintenir », poursuit l’expert, qui s’attend à un retour de la croissance début 2019.

Manque de personnel qualifié

Reste que le ralentissement sert de prétexte aux fédérations patronales, depuis quelques jours, pour adresser leurs griefs au gouvernement. L’économie allemande, estiment-ils, ne souffre pas seulement des vents contraires à l’extérieur mais aussi de problèmes maison, liés au manque de réformes depuis le début de l’ère Merkel. Alors que les capacités de production des entreprises sont utilisées à leur maximum, certaines faiblesses structurelles du pays commencent à se faire douloureusement sentir. Autrement dit : la machine allemande atteint ses limites.

Premier frein à la croissance, le manque de personnel qualifié. Dans un pays où le chômage est à son niveau le plus faible depuis la réunification, le nombre d’offres d’emploi non pourvues a franchi en novembre 2018 un nouveau record, à 1,24 million. Conséquence, les entreprises peinent à recruter, augmentent les salaires et ne peuvent plus améliorer leur production.

Après des années de discussions, un projet de loi sur l’immigration, réclamée par le patronat, a enfin été présenté par le gouvernement en décembre. Le dispositif doit faciliter non seulement l’arrivée de travailleurs venant de pays extérieurs à l’Union européenne, mais aussi l’intégration des réfugiés. La banque publique d’investissement KfW redoute un manque général de main-d’œuvre à partir de 2025, quand la génération du babyboom arrivera à la retraite.

Faiblesse de ses infrastructures

L’Allemagne souffre aussi de la faiblesse de ses infrastructures. Les problèmes de livraison liés à la faiblesse du niveau du Rhin ont rappelé combien les infrastructures de transport alternatives aux voies fluviales – le train et surtout la route – souffrent de décennies de sous-investissement. « Le problème a été bien pris en compte par l’Etat, mais les modernisations qui ont été entreprises récemment ont pour effet à court terme de faire baisser la production, car des voies et des routes doivent être fermées », explique Stefan Kooths, chef économiste à l’institut de Kiel. Le réseau Internet et téléphonique n’est pas à la pointe.

Ces facteurs nourrissent la crainte des milieux industriels de voir l’Allemagne perdre en compétitivité. Une étude remarquée, publiée début janvier par la fondation pour les entreprises familiales, estimait dans son classement des pays de l’OCDE que l’Allemagne était désormais moins attractive que le Portugal – jadis vu comme un des mauvais élèves de la zone euro. Outre les faiblesses des infrastructures, le rapport évoque la situation fiscale.

Les entreprises observent, en effet, depuis plusieurs mois avec inquiétude les réformes fiscales enclenchées par les pays concurrents – les Etats-Unis, bien sûr, mais aussi la France – qui ont considérablement allégé la fiscalité des entreprises. Dans le même temps, l’Etat fédéral allemand affiche plus de 10 milliards d’euros d’excédent budgétaire en 2018, un record qui passe mal.

Un débat sur des baisses d’impôts a été lancé ces derniers jours, mais il n’est pas certain que cela suffise à calmer la grogne des milieux industriels. « De façon générale, depuis 2005, quasi aucune réforme n’a été faite pour améliorer la compétitivité du site industriel allemand. Le débat s’est endormi. On peut comprendre que les entreprises soient nerveuses, car dans le même temps le poids des charges qui pèsent sur elles s’est continuellement accru », conclut M. Kooths.