L’avis du « Monde » – pourquoi pas

Ben Is Back est parsemé d’éclats de vérité. Lorsque Ben (Lucas Hedges), dépendant à l’héroïne, surgit au domicile familial, dans une maison cossue d’une lointaine banlieue américaine, son beau-père afro-américain (Courtney B. Vance), furieux de voir le jeune homme rompre de nouveau l’un des innombrables pactes conclus avec les siens, demande : « Est-ce qu’on aurait donné autant de deuxièmes chances à un jeune Noir ? » Ce à quoi la mère de Ben, Holly (Julia Roberts), répond : « Ne recommence pas. »

Il y a là, et dans quelques autres séquences, l’esquisse d’un film qui prendrait de la hauteur pour évoquer l’épidémie d’addiction aux opioïdes qui ravage les Etats-Unis. Le reste du temps, Peter Hedges (père de Lucas) s’en tient aux figures du drame familial, agençant son film autour de la figure de Holly, à laquelle Julia ­Roberts prête tout son talent et un peu plus. Ce supplément donne souvent l’impression d’être destiné aux votants de l’académie qui décerne les Oscars.

Les craintes et les aveuglements d’une mère sont dans un premier temps contenus dans les confins de la famille. Ben Is Back ressemble alors à un film indépendant sur le plateau duquel se serait invitée une immense star qui s’autorise les effets dignes de son statut – spectaculaires. L’effet distrait parfois du propos du film. Il arrive aussi que ces excès et la modestie et la ténacité de Lucas Hedges (que l’on avait découvert dans Manchester by the Sea) s’harmonisent. Le garçon d’une vingtaine d’années, qui est censé ne pas quitter la sober living house où l’ont placé ses parents, est revenu pour passer Noël avec les siens – sa mère, son beau-père, sa sœur (Kathryn Newton à qui incombe le rôle de la sceptique) et les deux jeunes enfants des deux premiers.

Pratiques médicales

Le contraste entre la frénésie d’illuminations, de consommation et de célébrations qui saisit une petite ville américaine dans les heures qui précèdent le 25 décembre, et le noir bagage de mensonges et de ruines que trimballe Ben opère souvent. On distingue les mécanismes de cette épidémie dont l’origine n’est pas à chercher dans le trafic international mais dans les pratiques médicales (Holly prend à partie le médecin qui a prescrit des analgésiques à son fils adolescent), et – grâce à la sobriété de Lucas Hedges – la destruction morale d’un jeune homme.

La seconde partie du film est occupée par une errance nocturne dans les bas-fonds d’une ville dont la plupart des habitants ne soupçonnent pas l’existence. Mais l’artifice de scénario qu’emploie Peter Hedges (qui a également écrit le film) pour faire ­rebondir Holly et Ben de repaires de dealers en squats sordides manque de vraisemblance, produit des situations convenues empruntées au cinéma de genre. La chronique familiale vire au suspense et l’on ne peut se défendre de l’impression que le metteur en scène a manqué de ­confiance en son public. Plutôt que de fouiller les plaies qu’inflige l’addiction à une famille, il a préféré poser la question en termes vieux comme Hollywood : l’amour d’une mère sauvera-t-il son fils dévoyé ? La poser, c’est, la plupart du temps, déjà y répondre.

BEN IS BACK - Bande-annonce VF [Au cinéma le 16 janvier]
Durée : 01:32

Film américain de Peter Hedges. Avec Julia Roberts, Lucas Hedges, Courtney B. Vance, Kathryn Newton (1 h 42). Sur le Web : www.paramountpictures.fr/film/ben-is-back et www.benisbackmovie.com