Le candidat au poste de ministre de la justice William Barr témoigne devant la commission des affaires juridiques du Sénat, le 15 janvier à Washington DC. / TASOS KATOPODIS / AFP

William Barr a affronté avec placidité l’épreuve de l’examen de sa candidature au poste d’attorney general des Etats-Unis par la commission des affaires juridiques du Sénat, mardi 15 janvier. Et pour cause. Il l’avait déjà subie avec succès en 1991, lorsqu’il était devenu le ministre de la justice de George H. W. Bush. La commission l’avait alors confirmé à l’unanimité, tout comme le Sénat tout entier, par acclamation.

Près de trente ans plus tard, l’extrême polarisation qui a saisi la politique américaine et la personnalité du président qui l’a nommé, Donald Trump, est la garantie d’un adoubement moins consensuel. La compétence et la sérénité de William Barr, surtout au début de sa prestation, ont pourtant ravivé mardi le souvenir d’auditions dépassionnées. La présence de l’un de ses petits enfants, féru d’actualité malgré ses 8 ans, y a également contribué. La doyenne des élues démocrates, Diane Feinstein (Californie), a même fait porter à ce dernier des friandises en milieu de journée pour récompenser son assiduité.

William Barr se savait particulièrement attendu. Le poste d’attorney general le place en première ligne pour l’enquête du procureur spécial Robert Mueller sur les interférences prêtées à la Russie pendant la présidentielle de 2016. Donald Trump a limogé son premier ministre de la justice, Jeff Sessions, après lui avoir reproché de s’être récusé du fait de contacts avec des responsables russes à la même période. William Barr défend par ailleurs une interprétation généreuse des pouvoirs exécutifs qui ne peut que complaire à un président soucieux d’utiliser toutes les ressources de la Maison Blanche. Il a enfin écrit en 2017 une note critique sur l’enquête « russe ».

Sans ambition politique

Devant des sénateurs démocrates évidemment plus incisifs que leurs homologues républicains, il a donc défendu le souci scrupuleux de s’en tenir à la loi, avançant comme des garanties son âge, 68 ans, et l’absence de la moindre ambition politique. « Je suis arrivé à un point dans la vie où je peux avoir l’autorité nécessaire pour protéger l’indépendance et la réputation » du ministère, a-t-il expliqué. « Personne ne m’obligera à faire quoi que ce soit que je jugerai inapproprié, ni les éditorialistes, ni le Congrès, ni le président. Je ferai ce que je pense être juste », a-t-il assuré.

Il a multiplié les gages de cette volonté. Une demande présidentielle de « mettre un terme à une enquête criminelle pour des raisons personnelles » serait « un abus de pouvoir », a-t-il jugé. De même, une grâce présidentielle en échange du silence d’un condamné dans l’enquête « russe » serait « un crime ».

Alors que le président ne cesse d’user de la formule pour stigmatiser les investigations de Robert Mueller, William Barr a douté que ce dernier, « un ami » auquel il a donné du « Bob » à longueur de réponses, se soit lancé dans « une chasse aux sorcières ». Il s’est engagé à lui accorder le temps et les moyens nécessaires pour conclure une enquête qu’il a présentée comme légitime, excluant en outre tout limogeage qui ne serait pas fondé en droit.

Cette bonne volonté a trouvé cependant des limites au fil des questions plus précises des sénateurs démocrates. William Barr a ainsi exclu de se récuser, compte tenu des critiques que contenait sa note de 2017, si d’aventure son propre conseil d’éthique le lui suggérait.

Passé républicain

Il s’est montré par ailleurs assez évasif sur la publicité qui serait donnée aux conclusions de l’enquête de Robert Mueller. « Il est très important que le public et le Congrès soient informés des résultats des travaux du procureur spécial. Mon objectif sera de fournir autant de transparence que possible conformément à la loi », a-t-il tout d’abord déclaré avant d’avouer ne pas savoir « au bout du compte, ce qui sera publiable ».

L’âge avancé comme un atout par William Barr ne lui a guère été profitable, en revanche, lorsqu’il a été interrogé sur la politique d’incarcération de masse. Le Congrès, démocrates et républicains pour une fois unis, et Donald Trump sont revenus en décembre sur ses excès. L’ancien attorney general l’avait soutenue avec force sous les administrations républicaines auxquelles il avait collaboré, il y a plusieurs décennies. Il a continué d’en défendre la pertinence en dépit de ses effets désastreux, notamment pour la communauté afro-américaine.

Ce conservateur favorable à une politique migratoire beaucoup plus stricte, à l’unisson de Donald Trump, a émis également de visibles regrets à propos de la légalisation par un nombre croissant d’Etats de l’usage récréatif de la marijuana. Contrairement à son prédécesseur, il a cependant renoncé à exercer des poursuites que ce dernier envisageait dans les Etats concernés en arguant de l’absence de dispositions similaires au niveau fédéral.