Les forces de sécurité kényanes ripostent à l’attaque d’un complexe hôtelier par des terroristes à Nairobi, le 15 janvier. / BEN CURTIS / AP

Des explosions, suivies de coups de feu. C’est ainsi qu’a débuté l’attaque, mardi 15 janvier, du DusitD2, un complexe du centre de Nairobi regroupant un hôtel, des restaurants, des bars et des bureaux. « Nous pouvons confirmer que cet acte criminel a commencé vers 15 heures (12 heures GMT) d’une manière coordonnée et qu’il a débuté avec l’attaque de la banque I & M, une explosion qui a visé trois véhicules dans le parking et une explosion-suicide dans le hall de l’hôtel Dusit », a déclaré le chef de la police du Kenya Joseph Boinnet. Des détonations et des coups de feu retentissaient toujours mercredi matin, plus de 20 heures après le début de l’attaque.

Rapidement revendiquée par les Chabab, l’attentat rappelle le modus operandi déjà utilisé plusieurs fois en Somalie par ce groupe armé affilié à Al-Qaida – une première explosion est généralement rapidement suivie par l’arrivée sur les lieux d’un commando armé, afin de faire le plus de victimes possible.

Selon l’Agence France-Presse, Reuters et Associated Press, l’attaque a fait quinze morts, tandis qu’un responsable du département d’Etat américain a confirmé le décès d’un de ses ressortissants. Les autorités kényanes n’ont de leur côté donné aucun chiffre. Plusieurs hôpitaux ont appelé à des dons de sang afin de soigner les dizaines de blessés évacués de la zone attaquée où travaillent des centaines de personnes.

Un îlot de calme transformé en piège

Situé en plein centre de Nairobi, dans le quartier huppé de Riverside, le DusitD2 est un lieu clinquant et singulier, apprécié des diplomates et des hommes d’affaires. Une mini-ville de plusieurs immeubles aux faux airs de Las Vegas, protégée par une lourde barrière noire où s’effectuent les contrôles de sécurité (commun à tous les centres commerciaux de la capitale) mais enfoncée dans une cuvette, au bout d’une voix d’accès unique.

Mardi soir vers 20 heures, les rescapés continuaient de sortir au compte-gouttes de cet îlot de calme transformé en piège. Beaucoup ont raconté avoir tenté de s’enfuir après la première déflagration, avant de faire demi-tour.

« Juste après l’explosion, j’ai attrapé les clés de ma voiture pour partir mais les tirs ont commencé. Nous étions sept et nous sommes retournés nous cacher. Je pouvais entendre mon cœur battre dans ma bouche », a raconté, en franchissant la zone sécurisée par les forces de l’ordre, Okoth Obado, le directeur de Redhouse, une agence de relations publiques dont les bureaux sont situés dans le complexe. L’un de ses employés a raconté être resté « caché pendant deux heures dans un placard, en priant pour qu’ils ne [le] trouvent pas ».

Des Kenyans fuient sous les tirs des forces de sécurité et des terroristes qui ont attaqué un complexe hôtelier, à Nairobi, le 15 janvier. / KHALIL SENOSI / AP

S’écartant régulièrement pour laisser passer ambulances et véhicules de l’armée, des dizaines de personnes attendaient encore leurs proches près de six heures après le début de l’attaque. « Notre fille est à l’intérieur, elle nous a écrit qu’elle entendait des tirs mais ensuite elle n’avait plus de batterie. Nous sommes venus tout de suite, nous étions très inquiets. Mais elle va bien, elle a écrit sur le téléphone d’un collègue », témoigne Esther, entourée de son mari et de son fils. Leurs visages, nerveux, sont rivés sur la rue noire qui plonge vers le complexe. D’autres attendent de rentrer chez eux, dans les lots d’appartements qui lui font face. Parmi eux, une femme d’une cinquantaine d’années frissonne : « C’est terrible, nous pensions que ces choses-là étaient derrière nous. »

Des coups de feu jusqu’au petit matin

Bien que le ministre de l’intérieur kenyan Fred Matiangi ait déclaré vers 23 heures que « la situation [était] sous contrôle et que le pays [était] sûr », annonçant que tous les bâtiments du complexe avaient été sécurisés, des coups de feu ont pourtant été entendus jusqu’au petit matin par les journalistes.

Dans les esprits, ce nouvel attentat ravive immanquablement le souvenir de celui du Westgate Mall, attaqué il y a cinq ans, en septembre 2013, par les Chabab. Il avait fallu deux jours pour sécuriser ce centre commercial situé à moins de deux kilomètres du Dusit2D et l’attaque avait fait au total 67 morts. Un épisode traumatisant pour les Nairobiens, qui avait également lourdement impacté le tourisme.

Depuis, Nairobi n’avait plus connu d’attaques. Mais le pays avait été endeuillé plusieurs fois. En 2015, 148 personnes étaient mortes dans l’attaque de l’université de Garissa, à l’est, près de la frontière somalienne.

L’année suivante, un camp de la mission de l’Union africaine en Somalie, essentiellement défendu par des soldats kényans, avait également été attaqué par les Chabab. L’attaque d’Al-Adde, qui avait fait 150 morts, était survenue un 15 janvier, il y a trois ans jour pour jour.