Un drone professionnel en vol stationnaire à Ottawa, au Canada. / MICHEL COMTE / AFP

La perspective paraîtra inquiétante ou enthousiasmante, mais elle s’impose avec la force de l’évidence : les Etats-Unis veulent développer massivement les vols de drone à très basse altitude. Amazon, Google mais aussi Fedex, Uber ou CNN, engagés sur cette voie depuis plusieurs années, se frottent déjà les mains. Un épais document de 198 pages rendu public lundi 14 janvier par Elaine Chao, secrétaire d’Etat aux transports, pose le principe de « vols de routine » de drones commerciaux au-dessus des populations, de jour comme de nuit. Des opérations qui auraient lieu sans qu’il soit nécessaire – comme c’est le cas actuellement aux Etats-Unis ou en France – d’obtenir systématiquement une autorisation préalable.

Il ne s’agit pas d’ouvrir le ciel américain sans délai ; ces vols réguliers ne débuteront pas avant 2020. Pas question non plus de laisser opérer n’importe quelle société. Les drones devront être télépilotés par des opérateurs diplômés et obligatoirement diffuser un signal électronique afin que l’on puisse les identifier (comme cela devrait être le cas en France, y compris pour les particuliers) et déterminer leur position. De même, ils devront être équipés (avec des protections d’hélice, par exemple) afin de limiter les dégâts provoqués par une chute. Pour les vols nocturnes, sera exigé un puissant système d’éclairage permettant de les apercevoir à une distance de trois miles (près de 5 kilomètres).

Dans un discours prononcé à Washington, la secrétaire d’Etat estime que cette libéralisation doit « permettre d’engranger les bénéfices économiques considérables que laisse entrevoir cette industrie en pleine croissance et continuer à faire de notre pays un leader technologique mondial ». Concrètement, les livraisons par drone, mais aussi les travaux de numérisation de chantiers du bâtiment, les reportages télévisés ou les inspections de thermographie aérienne pourraient connaître un essor important. Traditionnellement plus mesurée que le département des transports sur cette question, l’Aviation civile américaine (FAA) adhère au projet. Non sans préciser que « le défi consiste à maintenir un équilibre entre la nécessité de contenir les risques auxquels sont exposés les autres aéronefs mais aussi le public et l’obligation de ne pas bloquer l’innovation ». Parmi les propositions avancées figure aussi la possibilité offerte aux particuliers de faire voler leur dronne en public, à condition que celui-ci ne dépasse pas une masse de 250 grammes.

Des passagers en attente d’un vol à l’aéroport de Gatwick, le 22 décembre, après l’interruption du trafic provoqué par des drones non identifiés. / Gareth Fuller / AP

Régulation du trafic aérien

Au risque de donner le sentiment d’avoir mis la charrue avant les bœufs, les autorités fédérales ont également incité à la mise en place d’un – indispensable – système efficace et automatisé de régulation du trafic aérien à basse altitude (moins de 400 pieds soit 120 m) capable d’éviter les collisions. Une invitation pressante quelques jours après l’émoi engendré par les fortes perturbations provoquées par le signalement de survols des aéroports de Gatwick et Heathrow, au Royaume-Uni, par des drones non identifiés. Dans cette optique, trois accords ont été passés pour mener des expérimentations d’ici septembre dans le Nord Dakota, le Nevada et la Virginie. Par ailleurs, dix Etats et autorités locales viennent d’obtenir l’autorisation de tester, grandeur nature, des vols au long cours opérés par des drones. Un moyen, aussi, de sonder les réactions du public, selon le département des transports.

Cet assouplissement de la réglementation, qui était initialement programmé pour entrer en vigueur dès 2016, a été retardé, notamment pour prendre en compte d’éventuelles menaces terroristes. Il intervient alors que l’aviation civile multiplie déjà les dérogations. Quelque 1 223 autorisations ont été accordées pour réaliser des vols de nuit – apparemment sans aucun incident – et au moins 23 opérations comportant un survol du public ont été octroyées à des sociétés telles que Google ou CNN.