« Ces cinq ordonnances nous permettront d’avoir un cadre juridique qui répond aux enjeux d’un Brexit sans accord, estime le premier minsitre Edouard Philippe. / CHRISTOPHE ENA / AP

« La responsabilité du gouvernement, c’est que notre pays soit prêt, que les intérêts de nos concitoyens soient préservés et défendus. » Alors qu’une sortie brutale du Royaume-Uni de l’Union européenne (UE) se fait « de moins en moins improbable », le premier ministre, Edouard Philippe, a annoncé jeudi 17 janvier le déclenchement d’un « plan lié à un Brexit sans accord ».

Ce plan « comporte des mesures législatives et des mesures juridiques qui visent à faire en sorte qu’il n’y ait pas d’interruption de droits et que les droits de nos concitoyens ou de nos entreprises soient effectivement protégés », a expliqué le chef du gouvernement à l’issue d’une réunion avec plusieurs ministres à Matignon.

Mardi, la Chambre des communes a très franchement rejeté – comme attendu –, par 432 voix contre 202, l’accord négocié avec Bruxelles pour sortir le Royaume-Uni de l’Union européenne. Après avoir survécu à une motion de censure déposée par l’opposition travailliste, la première ministre britannique, Theresa May, a, désormais, jusqu’à lundi pour présenter un « plan B ».

Elle n’a qu’une alternative : s’engager à retourner négocier à Bruxelles ou demander un report de la date effective du Brexit, prévue le 29 mars. Le rejet du texte ouvre également la possibilité d’un divorce sans accord, particulièrement craint par les milieux économiques. C’est précisément cette option que le gouvernement Philippe anticipe en déclenchant son plan.

Protéger les intérêts des Français

Après l’Assemblée nationale, la veille, le Sénat doit ainsi adopter définitivement jeudi le projet de loi préparant la France à toute forme que prendrait la sortie du Royaume-Uni de l’UE, notamment un Brexit « dur ». « Sur le fondement de cette loi d’habilitation », qui sera promulguée cette semaine, « cinq ordonnances seront présentés au conseil des ministres mercredi et publiées dans les trois semaines qui viennent », a ajouté M. Philippe :

« Ces cinq ordonnances nous permettront d’avoir un cadre juridique qui répond aux enjeux d’un Brexit sans accord. »

Il s’agit notamment de protéger les intérêts des Français résidant au Royaume-Uni, de garantir un statut pour les citoyens britanniques en France et encore de prévoir les mesures en vue du rétablissement des contrôles de marchandises aux frontières.

Edouard Philippe a également annoncé « un plan d’environ 50 millions d’euros d’investissement dans les ports et les aéroports français », soit « les lieux les plus concernés par les modifications à apporter » :

« Six cents recrutements seront réalisés dans les semaines qui viennent (…) il s’agit d’emplois de douaniers, de contrôleurs vétérinaires, de toute une série d’agents de l’Etat, qui vont permettre, là encore, d’être à la hauteur des enjeux, d’être à la hauteur des contrôles nécessaires. »

Un plan pour accompagner le secteur de la pêche, qui est « le plus susceptible d’être durement “impacté” par cette sortie sans accord », est également à l’étude.

L’UE se prépare aussi à un « no deal »

Du côté européen, la pression s’intensifie également. Peu après le rejet de l’accord mardi, le président de la Commission européenne, Jean-Claude Juncker, estimait que « le risque d’un Brexit sans accord s’est accru », appelant « le Royaume-Uni à clarifier ses intentions dès que possible ».

« Personne ne veut de ce qu’on appelle un “no deal Brexit”, c’est-à-dire un Brexit sans accord. On s’en rapproche, en tout cas la menace est plus forte, c’est clair », regrettait mercredi matin sur France 2, le commissaire européen aux affaires économiques et financières, Pierre Moscovici. Quant au président du Conseil européen, Donald Tusk, il n’hésitait pas à suggérer, mercredi sur Twitter, l’annulation du Brexit : « Si un accord est impossible, et que personne ne veut d’une sortie sans accord, qui aura finalement le courage de dire quelle est la seule solution positive existante ? »