Luka Karabatic et les Bleus disputent jeudi leur cinquième match en moins d’une semaine. / ODD ANDERSEN / AFP

C’est un match à remporter à tout prix. A moins qu’il ne compte pour du beurre. Pour aborder l’ultime rencontre de la phase préliminaire du Mondial, que les Bleus disputent jeudi 17 janvier face à la Russie, l’entraîneur, Didier Dinart, s’est retrouvé dans une situation « schrödingerienne ». Comment préparer une rencontre s’annonçant à la fois décisive et potentiellement sans intérêt sportif ?

« Il y a une possibilité qu’on soit qualifié avant l’entame de la partie, mais il se peut aussi que ce match soit décisif », résume le pivot Luka Karabatic. « On verra ce qu’il en est en sortant de la sieste », prolonge Didier Dinart.

Si le Brésil, actuel troisième du groupe A (derrière les Bleus et l’Allemagne) bat la Corée unifiée (match à 15 h 30), sa qualification éliminera la Russie de la course au tour principal, et rendra la rencontre face aux Russes sans véritable enjeu.

Car la formule de ce championnat du monde de handball est ainsi faite : les trois premiers de chacun des quatre groupes de la phase préliminaire se qualifient pour le tour suivant. Mais seuls les résultats acquis contre les équipes qualifiées pour ce tour principal comptent lors de la suite de la compétition.

A l’heure actuelle, avant ces derniers matchs du tour préliminaire, la France compte 7 points, l’Allemagne 6 points, le Brésil 4 points, la Russie 4 points. La Serbie et la Corée viennent en queue de groupe, avec 3 points et 0 point.

« C’est une compétition très sélective qui permet une phase de brassage très longue, avant de s’écrêter dès les demi-finales. Et elle offre le droit à l’erreur aux nations, qui peuvent se récupérer après une défaite », synthétisait Philippe Bana, le directeur technique national du handball français avant la compétition.

Formule incompréhensible

Cette formule à deux poules, incompréhensible pour grand public, a longtemps eu cours dans le handball. Elle avait été abandonnée pendant trois éditions au profit d’un fonctionnement plus lisible : une phase de groupes, puis des matchs éliminatoires dès les 8e de finale.

A l’occasion de ce Mondial disputé en Allemagne et au Danemark, la Fédération internationale de handball (IHF) a choisi de revenir à l’ancienne formule. « Cette formule alambiquée rend la compétition illisible, analyse l’entraîneur adjoint des Bleus, Guillaume Gille. Tous les scénarios sont envisageables, il faut sortir la calculette à chaque match pour en connaître l’enjeu exact et parfois, l’enjeu peut être inverse de l’esprit du sport, à savoir gagner le match. »

Ce retour vers le passé provoque une levée de boucliers. « Clairement, la priorité n’est pas la santé des athlètes », s’insurge Pierre Sébastien, le médecin de l’équipe de France. Car si elle arrange les diffuseurs en limitant la possibilité d’élimination de « grosses » nations avant les demi-finales (lors du Mondial 2017, le Danemark et l’Allemagne avaient chuté dès les 8e), la formule oblige les joueurs à disputer dix rencontres en quinze jours.

« C’est une hérésie, alerte le médecin des Bleus. On s’est battu pour avoir au moins un jour de repos entre chaque match, ce qui n’était déjà pas idoine. Et là, en une compétition, on a l’impression que tout a été effacé, on revient aux doublons, à disputer cinq matchs en sept jours. »

« Les joueurs ne sont pas des citrons »

Le praticien redoute une cascade de blessures musculaires plus la compétition avancera. Mardi, lors du quatrième match en cinq jours des Bleus, l’équipe de France a perdu son capitaine, Cédric Sorhaindo, victime d’une déchirure au mollet.

« Les joueurs ne sont pas des citrons, ils ne peuvent pas jouer raisonnablement dix matchs en quinze jours », s’est insurgé Philippe Bana au micro de BeIN Sports, « très inquiet d’être revenu à la préhistoire des années 2000. » Un appel repris depuis par l’encadrement de l’équipe allemande et « qui fait le tour du monde », relate le DTN, inquiet qu’on « achève les joueurs ».

« Ce ne sera pas forcément le meilleur qui gagnera, mais le plus endurant », glisse Pierre Sébastien. Dans cette optique, Didier Dinart a injecté du sang neuf dans le groupe français avant la rencontre face à la Russie.

Un jour après avoir intégré Nikola Karabatic en remplacement de Sorhaindo, le sélectionneur français a effectué une seconde modification dans son équipe. Exit Nicolas Claire, remplacé par Melvyn Richardson, dernier joueur écarté le jour du premier match, mais resté dans le groupe.

« C’est une vraie option tactique car Melvyn offre de la polyvalence sur trois postes », souligne Didier Dinart. Mercredi, le jeune Montpelliérain a eu droit à une fin d’entraînement personnalisée, où Guillaume Gille lui a fait travailler son explosivité en contre-attaque quand ses partenaires mettaient l’accent sur la récupération.

France - Russie, jeudi 17 janvier à 20 h 30 (sur BeIN Sports 1).