Des bouteilles de vin français, à la Foire au vin « Wine Show », à Londres, en 2006. / BERTRAND LANGLOIS / AFP

Les exportateurs français de vins et spiritueux sont sur le qui-vive. A peine connu le rejet, par la Chambre des communes, du projet d’accord de retrait du Royaume-Uni de l’Union européenne défendu par le gouvernement de Theresa May, mardi 15 janvier, la Fédération des exportateurs de vins et spiritueux de France (FEVS) publiait un communiqué pour le « regretter ».

Selon Antoine Leccia, président de la FEVS, cette décision, qui laisse craindre un « no deal », pourrait s’avérer lourde de conséquences : le Royaume-Uni est le deuxième client de la France pour le vin et les spiritueux. Derrière les Etats-Unis, mais devant la Chine.

En 2017, les ventes d’alcool tricolore vers ce pays ont atteint 1,335 milliard d’euros, ce qui représente 10,3 % du montant total des exportations françaises. Un résultat en progression de 2,7 %, après, il est vrai, une année 2016 en retrait, marquée par le choc du référendum sur le Brexit, mais en dépit de l’appréciation de l’euro face à la livre sterling. Ce sont surtout les vins français, dont le champagne, le bordeaux, le bourgogne, sans oublier les vins de Provence, qui sont appréciés des Britanniques amateurs de bonnes bouteilles. Ils représentent, à eux seuls, 1,1 milliard d’euros. Même si les Britanniques ont entrepris de développer leur propre vignoble, en misant sur les effets du réchauffement climatique. Et sachant également qu’ils réexportent une partie des vins qu’ils achètent.

Le risque d’inflation des produits importés

Mais les producteurs de vins et d’alcool ne sont pas les seuls à s’inquiéter d’un rejet de l’accord sur le Brexit. D’autres secteurs agroalimentaires sont concernés. L’Association nationale des industries alimentaires (ANIA) estime que les ventes d’aliments vers le Royaume-Uni ont atteint 4,55 milliards d’euros en 2017, ce qui représente 10 % des exportations de ce secteur économique.

Le pays a acheté, par exemple, 570 millions d’euros de produits laitiers et 266 millions d’euros de produits d’épicerie. Le spectre du « hard Brexit » préoccupe la coopérative Agrial. Connue pour ses marques françaises Loïc Raison et Ecusson, elle a annoncé, fin août 2018, l’acquisition du premier cidrier indépendant britannique Aston Manor. Les légumiers bretons, propriétaires des lignes de bateaux Brittany Ferries, reliant la France et le Royaume-Uni, sont aussi sur les dents.

Pour tous, comme l’explique l’ANIA, le risque de voir le Royaume-Uni comme un pays tiers se rapproche, même si beaucoup de scénarios restent envisageables. Le flou de la situation ne facilite pas les prises de décision. Si le Royaume-Uni devenait un pays tiers, cela impliquerait un retour des droits de douane, avec le risque d’inflation des produits importés dans un contexte économique défavorable pour le Royaume-Uni. Il faudrait également rétablir des contrôles sanitaires et phytosanitaires aux frontières, avec la nécessité, pour les entreprises exportatrices, d’établir des certificats spécifiques à joindre aux expéditions de marchandises d’origine animale ou végétale. Avec les problèmes d’organisation et de coût afférents.

Autre dossier chaud, celui des pêcheurs

« Il est indispensable que, tant du côté britannique que français et européen, les autorités compétentes précisent et informent au plus vite les entreprises des nouvelles règles et modalités qui devraient s’appliquer à partir du 30 mars, afin qu’elles puissent s’y adapter dans les meilleurs délais », demande M. Leccia, tout en appelant de ses vœux à une solution politique alternative d’ici au 29 mars.

Autre dossier chaud pour le gouvernement français : celui des pêcheurs. « Si, jusque-là, nous naviguions dans le brouillard, désormais, nous naviguons en eaux troubles », a déclaré Gérard Romiti, président du Comité national des pêches. L’activité des pêcheurs du nord de la France dépend pour une bonne part de leur accès aux eaux britanniques. Le premier ministre, Edouard Philippe, en déplacement dans le Pas-de-Calais, vendredi 18 janvier, a promis de « travailler activement avec la Commission européenne » et a évoqué des « dispositions spécifiques » qui seraient annoncées courant février.