S’il n’a pas marqué face aux Russes, Nikola Karabatic a fait son retour sous le maillot bleu. / ODD ANDERSEN / AFP

Nikola Karabatic est un homme pressé. Face à la Russie, jeudi 17 janvier, lors du cinquième et dernier match de l’équipe de France dans le premier tour du Mondial de handball, à Berlin (gagné 23-22 par les Bleus), il a patienté moins de deux minutes avant de déclencher son premier tir, fusillant la barre du gardien adverse.

Aligné d’entrée, le joueur avait assez patienté. Ecarté des terrains depuis trois mois, il rongeait son frein. La sentence était tombée mi-octobre 2018 : opération du pied et quatre à six mois d’indisponibilité, synonymes de premier forfait pour une compétition internationale pour ce joueur central dans le jeu de la sélection nationale.

« La douleur était devenue trop forte », avait justifié Nikola Karabatic. Le handballeur souffrait, depuis décembre 2016, d’un Hallux valgus, une déviation de la base du gros orteil vers l’extérieur, qui l’obligeait à modifier ses appuis. « La déformation était telle que ça ne pouvait pas aller plus loin, détaille Pierre Sébastien, médecin de l’équipe de France. Il avait mal tout le temps, même quand il marchait. » Pourtant, le quadruple champion du monde est dur au mal. « J’ai serré les dents à plusieurs reprises, hélas ça n’a pas suffi. »

Opéré, il bascule dans l’inconnu. L’Hallux valgus est une terra incognita de la médecine sportive de haut niveau. « On a cherché des précédents, mais cette opération n’a que très rarement ou jamais été faite sur un sportif de ce gabarit et de cet âge », rapporte Bruno Martini, directeur général du PSG handball.

« Plus vite et mieux que tout le monde »

Dès le lendemain de l’intervention chirurgicale, Nikola Karabatic a lancé l’opération « retour ». Sous les regards de ses partenaires, le joueur investit la salle de musculation du PSG, le club où il évolue, accompagné du kiné Christophe Dubois. Tous deux passent plus de quatre heures par jour à travailler le pied fracturé à cinq endroits pour redresser le gros orteil et son voisin.

« Dès le dixième jour, il était déjà en proprioception [c’est-à-dire le sens de la perception de la position du corps dans l’espace], sur son orteil opéré, rapporte Pierre Sébastien, saluant le travail du staff médical du PSG, avec lequel il est resté en lien constant. Mais bon, on parle de Nikola Karabatic. Depuis qu’il est tout petit, il fait des choses plus vite et mieux que tout le monde. Donc ce n’est pas surprenant qu’il aille plus vite que les autres dans la récupération. »

Dans le courant de décembre, constatant les progrès de son joueur, l’encadrement du PSG entrouvre la possibilité d’un retour anticipé. « Quand j’ai pu commencer à courir et à faire des appuis et des sauts, ils m’ont dit que je pourrais peut-être être opérationnel vers mi-janvier, se rappelle Karabatic. C’est là que je me suis dit qu’il y avait peut-être une chance. »

Il avait tiré un trait sur le Mondial, aussi son unique objectif était-il jusque-là « de revenir et de jouer sans douleur ». Un second est venu s’y greffer : être prêt à temps pour prendre part à la compétition. « Il a appréhendé sa blessure comme il aborde les matchs », résume son cadet, Luka. « Revenir le plus vite possible, c’était pour moi gagner une “compète” contre ma blessure », abonde le demi-centre des Bleus.

S’il met les bouchées doubles, Karabatic est conscient qu’il ne doit pas forcer. « Compétiteur comme il est, on ne pouvait pas lui dire “n’en fait pas trop”, juge Bruno Martini. Mais la douleur a constitué un garde-fou idéal. Il testait des exercices, et si le lendemain c’était douloureux, il s’arrêtait. »

Une fois l’accord des médecins obtenu, le joueur rejoint ses partenaires après le premier match du Mondial pour s’entraîner avec eux. Acclamé par les fans allemands, il a célébré sa 300e cape jeudi soir face aux Russes.

Passes décisives

Admettant « une part d’appréhension », car ignorant comment son corps allait réagir « face à de vrais adversaires », la star des Bleus a disputé vingt-six minutes de jeu dans un match compliqué et serré. « On ne revient pas du jour au lendemain de trois mois sans compétition », souligne le sélectionneur, Didier Dinart, insistant sur le manque de rythme de son ancien partenaire.

S’il n’a pas inscrit le moindre but et pas encore retrouvé son influence sur le jeu français, Karabatic a délivré quelques passes décisives, provoqué une expulsion temporaire et retrouvé des sensations en défense. Et son rôle de leader par l’exemple dans une jeune équipe orpheline de son capitaine Cédric Sorhaindo, blessé. « Il a tellement d’expérience. Le simple fait de l’avoir dans le groupe est vraiment bénéfique », constate le pivot Ludovic Fabregas.

La compétition se poursuit samedi 19 janvier à Cologne face à l’Espagne (18 heures). Un adversaire qui avait éliminé les Bleus en 2018 en demi-finales de l’Euro. Comme chaque année depuis 2003, Nikola Karabatic sera donc finalement bien au rendez-vous. « Même si j’en ai déjà remporté quatre, jouer un Mondial avec l’équipe de France est toujours un rêve. »