A l’issue de vingt-quatre heures de garde à vue dans les locaux de la brigade de répression de la délinquance contre la personne à Paris, l’ancien adjoint au chef de cabinet de l’Elysée, Alexandre Benalla, a été déféré au parquet avant d’être présenté aux juges suite à l’ouverture d’une information judiciaire par le parquet de Paris aux fins de mise en examen.

Il était entendu dans le cadre d’une enquête préliminaire ouverte le 29 décembre pour « abus de confiance », « usage sans droit d’un document justificatif d’une qualité professionnelle » et « exercice d’une activité dans des conditions de nature à créer dans l’esprit du public une confusion avec l’exercice d’une fonction publique ou d’une activité réservée aux officiers publics ou ministériels ».

Celle-ci avait été lancée après la transmission par le ministère des affaires étrangères d’un article 40 relatif aux soupçons sur l’utilisation indue qu’il avait faite de deux passeports diplomatiques après son licenciement de l’Elysée. L’article 40 du code de procédure pénale oblige les autorités à saisir la justice en cas de crime ou délit dont elles ont pu avoir connaissance.

Mardi 15 janvier, devant la commission d’enquête sénatoriale, le ministre des affaires étrangères Jean-Yves Le Drian avait indiqué qu’il avait appris le déplacement de M. Benalla au Tchad les 5 et 6 décembre par un article paru dans Le Monde le 24 décembre. « J’ai considéré que l’article, extrêmement précis, extrêmement documenté, m’obligeait à agir », a-t-il dit pour justifier sa saisine du procureur de la République de Paris.

Alors que les autorités s’interrogeaient sur les nouvelles activités privées de M. Benalla, l’Elysée assurant qu’il n’était en aucun cas un émissaire de la présidence, Mediapart révélait fin décembre que celui-ci continuait à voyager avec ses passeports diplomatiques qu’il aurait dû restituer après son licenciement le 1er août. M. Benalla s’était notamment rendu au Cameroun, au Congo ou encore en Israël aux côtés de l'homme d’affaires Philippe Solomon.

« Dossier déjà très lourd »

Mardi, devant les sénateurs, le directeur de cabinet du président de la République, Patrick Strzoda, a précisé que selon ses informations, M. Benalla avait utilisé « presque une vingtaine de fois ces passeports entre le 1er août et le 31 décembre. La première fois, du 1er au 7 août et les autres en octobre, novembre et décembre ».

Le 16 janvier, après la transmission d’un nouvel article 40, par Patrick Strzoda, portant cette fois sur des soupçons de faux réalisés par M. Benalla pour obtenir un passeport de service, l’enquête préliminaire a été élargie. D’après M. Strzoda, M. Benalla qui était encore en fonction à l’Elysée, aurait envoyé au ministère des affaires étrangères un courrier à en-tête du chef de cabinet de l’Elysée pour obtenir ce document. « Le chef de cabinet n’est pas l’auteur de cette note », a précisé M. Strzoda lors de son audition, mardi, devant la commission d’enquête sénatoriale ajoutant : « C’est un document supplémentaire qui vient nourrir un dossier qui, à mon avis, est déjà très lourd. »

Selon le code pénal, le faux en écriture publique lorsqu’il est commis par une personne dépositaire de l’autorité publique ou chargée d’une mission de service public agissant dans l’exercice de ses fonctions ou de sa mission est un crime passible de quinze ans de réclusion criminelle et à 225 000 euros d’amende.

Dans le cadre de l’enquête ouverte sur ses agissements lors des manifestations du 1er-Mai, il a été mis en examen pour de multiples chefs comme « violences en réunion », « immixtion dans l’exercice d’une fonction publique » ou « recel de violation du secret professionnel ».

La commission d’enquête sénatoriale, qui a repris ses travaux à la suite de différentes révélations de la presse, a invité M. Benalla à répondre de nouveau à ses questions lundi 21 janvier. Il devrait notamment être interrogé sur les déclarations qu’il avait faites lors de sa précédente audition le 19 septembre 2018 durant laquelle il avait assuré que ses passeports étaient restés dans son bureau à l’Elysée et qu’il ne les avait récupérés qu’ensuite par l’entremise d’une personne de la présidence qu’il n’avait pas nommé. Une affirmation démentie sans ambiguïté par M. Strzoda.

Un autre protagoniste du dossier, le gendarme réserviste Vincent Crase, ancien salarié de La République en marche, mis en examen dans le cadre de l’enquête sur les violences commises le 1er-Mai, est également convoqué par la commission. Cette fois, c’est sur un virement reçu dans le cadre d’une mission privée effectuée pour le compte d’un oligarque russe controversé, cela alors qu’il était toujours salarié de l’Elysée, que les sénateurs souhaitent obtenir des explications.