Le derby ne pouvait pas mieux tomber pour Saint-Etienne. En pleine forme, les Verts (3es) reçoivent leurs voisins lyonnais, seulement 4es avec deux points de retard. L’occasion pour le capitaine stéphanois, Loïc Perrin, 33 ans et seize saisons au plus haut niveau derrière lui, de revenir sur l’importance du derby et sa signification.

Comme au match aller à Lyon, et comme trop souvent ces dernières années, il n’y aura pas de supporteurs adverses au stade. Le regrettez-vous ?

Je pense que c’est dommage pour les supporteurs qu’ils soient privés d’un match comme ça, un match qu’ils attendent avec impatience. C’est la même chose dans un camp ou dans l’autre. Après, nous n’avons pas d’influence là-dessus. On ne peut que constater et trouver triste que l’on prive ces supporteurs de leur passion. J’en avais un peu discuté avec nos supporteurs avant le match aller. Ils avaient fait un communiqué en prenant les devants auprès des autorités afin d’essayer d’assister au match. Ça n’avait pas fonctionné.

La saison dernière, blessé, vous avez assisté depuis les tribunes à la déroute 5-0 de vos coéquipiers lors du derby à Geoffroy-Guichard. Que ressent-on ?

C’est comme si on était sur le terrain : ça ne change pas grand-chose, ça fait mal de perdre et encore plus sur un tel score lors du derby. Sans oublier que cela avait été le début d’une période compliquée pour nous car cette défaite avait laissé des traces. Il avait fallu du temps mais on avait heureusement réussi à relever la tête après la trêve.

Et dans la vie quotidienne, quel retentissement a une défaite lors du derby sur les Stéphanois ?

Dès que le calendrier sort, les gens parlent du derby. Ils en parlent avant, ils en parlent encore plus à l’approche du grand rendez-vous et ils en parlent après en fonction du résultat… On a eu la chance de gagner ces dernières années des derbys à Geoffroy-Guichard. Ce sont des soirées que l’on n’oublie pas et que l’on partage avec notre public. Je me rappelle d’un succès en particulier, 3-0. Je m’en souviens par rapport au score mais aussi parce que ça faisait, pff… je ne sais même plus combien d’années sans victoire lors du derby dans notre stade.

Pour les gens extérieurs, comment pouvez-vous expliquer cette rivalité ?

Ce sont deux villes proches, distantes de 60 km, mais deux villes différentes. Moi qui joue à l’ASSE depuis mes 13 ans, j’ai joué un bon nombre de derbys, tellement que je ne les compte plus. C’est toujours le match de l’année.

« J’ai joué plusieurs derbys contre Bafétimbi Gomis avec qui j’ai été formé à Saint-Etienne. Je ne l’ai pas détesté du jour ou lendemain parce qu’il avait changé de maillot. »

Dans un entretien, vous aviez déclaré qu’enfant, votre père vous emmenait au stade mais qu’il ne vous avait pas élevé dans la haine de Lyon.

Il y a une rivalité mais oui, c’est exactement ça. Je n’ai pas de haine contre les Lyonnais. Je ne sais pas comment la rivalité a débuté, peut-être parce que Saint-Etienne est une ville d’ouvriers, que Lyon est un peu plus bourgeoise.

Vous étiez assez proches de Clément Grenier, un ancien joueur de l’Olympique lyonnais. On peut donc être stéphanois et lyonnais et être amis…

Clément, je l’ai connu car il est le cousin d’un très bon ami à moi. On n’est pas proche mais je l’ai croisé quelques fois. Mais par exemple, j’ai joué plusieurs derbys contre Bafétimbi Gomis avec qui j’ai été formé à Saint-Etienne. Je ne l’ai pas détesté du jour ou lendemain parce qu’il avait changé de maillot. J’ai encore de très bonnes relations avec lui car c’est quelqu’un de très bien. Ce sont des choix de carrière.

On a l’impression qu’il y a moins de petites phrases entre les deux camps avant match ces deux dernières années.

Il y en a peut-être moins du fait qu’il y a de moins en moins de joueurs formés dans les deux clubs. Et puis, les matchs s’enchaînent, on a joué mercredi et on enchaîne super vite après trois jours. Lorsqu’une semaine s’écoule, on a plus le temps d’en parler.

Où est la limite entre le folklore, la rivalité saine et la haine ou la violence ?

C’est peut-être un peu naïf mais pour moi le foot reste un jeu. Il faut un vainqueur, un perdant, mais ça doit rester dans le cadre du terrain. Les gens doivent pouvoir venir au stade en famille en étant en sécurité.

Loïc Perrin fête le but de Renaud Cohade lors du derby, le 30 novembre 2014. / PHILIPPE DESMAZES / AFP

Qu’avez-vous pensé du geste de Nabil Fekir la saison dernière [l’international lyonnais avait ostensiblement brandi son maillot en marquant le cinquième but de son équipe ; un envahissement du terrain s’en était ensuivi] ?

Chacun réagit différemment mais je n’aurais jamais fait quelque chose comme ça. Je pense que c’était déplacé : ça aurait pu être bien pire et dangereux. Néanmoins, il est vrai qu’après un but, on n’a pas vraiment le temps de réfléchir aux conséquences.

Vous avez débuté en équipe première en 2003. Cela coïncide quasiment parfaitement avec le début de la domination lyonnaise (7 titres consécutifs). Comment l’avez-vous vécu ?

Je me rappelle que gagner contre Lyon relevait à l’époque du miracle. L’OL survolait tellement le championnat. Nous remontions de Ligue 2, nous étions loin d’être favoris à chaque fois. Certaines fois, nous étions dominés, d’autres nous aurions mérité mieux mais on perdait ou l’on ne gagnait pas.

« Vu mon âge, il y a de fortes chances que je finisse ici. Je suis plus proche de mon dernier derby que mon premier… »

Si je vous dis : 25 septembre 2010 ?

C’est la date du centième derby, celui où l’on gagne à Lyon sur un but de Dimitri (Payet) sur coup franc. Ça faisait des années que l’on n’avait pas gagné face à Lyon (depuis 1994). Nous avons eu une chance incroyable. On n’aurait jamais dû le gagner. Tout a tourné en notre faveur ce jour-là. Ça a été important, nous libérant.

Depuis 2014, les victoires sont nettement plus nombreuses : quatre en quatre ans.

C’est bien toutes ces victoires marquantes. On s’est de plus en plus rapproché de Lyon ces dernières années. L’écart est moins important.

L’un de vos ex-coéquipiers, Max-Alain Gradel, a déclaré que vous étiez le capitaine qui l’avait le plus marqué, « un monstre », « prêt à mourir pour l’équipe ». Ce sont des qualités importantes dans un derby ?

Oui, mais comme à chaque match, si on n’a pas ça, c’est dur de gagner les matchs. Dans un derby, il faut l’avoir certainement un peu plus. Lyon est une grande équipe qui a des ambitions différentes des nôtres en début de saison. Alors en plus de cette hargne, il faut être bons face à de grands joueurs. C’est une question d’équilibre pour jouer un bon derby.

A 33 ans, quand on a joué toute sa carrière dans le même club, on se dit que le dernier derby approche ?

Vu mon âge, il y a de fortes chances que je finisse ici. Je suis plus proche de mon dernier derby que mon premier… En disant ça, je ne prends pas trop de risques. J’espère en jouer le plus possible encore, le plus longtemps possible en prenant du plaisir.