Martin Fourcade lors de l’épreuve de Coupe du monde de biathlon à Oberhof, en Allemagne, le 12 janvier. / Petr David Josek / AP

Drôle d’ambiance sur les pas de tir. Une fin de règne, pas encore un enterrement : Martin Fourcade n’est pas en pleine santé, mais il tient debout, tout de même. Le monarque du biathlon depuis sept saisons, quintuple champion olympique de la discipline, a des résultats humains, voilà ce qui change. Depuis six semaines que la saison a commencé, il attend la suivante dans l’espoir de redevenir l’invincible, et la semaine d’après, il faut encore attendre. Ses apparitions en zone mixte, au micro du diffuseur La Chaîne L’Equipe, déroulent les mêmes interrogations, visage noir de celui qui n’aime pas perdre, comme tous ceux qui ont toujours gagné.

Jeudi 17 janvier, à Ruhpolding en Bavière, la cote d’alerte est dépassée : malgré un tir parfait, le Français finit quatrième à 15 s de celui qui a pris son maillot jaune de leader de la Coupe du monde, le Norvégien Johannes Boe, pourtant sanctionné d’un tour de pénalité. Fourcade n’a jamais tiré aussi bien (92 % de réussite) mais a ralenti sur les skis. Là où il savait pouvoir échouer une fois à la carabine, le voilà forcé au sans-faute pour espérer gagner, et encore, sans garantie.

A mi-Coupe du monde, Martin Fourcade est troisième du classement général. Ce qui laisse tout de même 78 garçons derrière lui, mais il ne remportera pas de huitième gros globe de cristal, réservé au vainqueur final. Vendredi 18, dans le relais, la même faiblesse – relative – sur les skis malgré une bonne troisième place à l’arrivée pour les Bleus. Il dit :

« J’ai un peu moins la frite à skis et ça ne permet pas de faire la différence. Ce n’est pas un problème d’envie. C’est le corps qui ne répond pas. Je veux juste trouver la réponse à ce problème. Si je dois chercher toute la saison, je chercherai, mais je n’ai pas envie de montrer ce que j’ai montré sur la piste aujourd’hui. J’ai envie de plus, j’ambitionne plus, je me suis entraîné pour plus. Je ne prends pas de plaisir à souffrir sur la piste en permanence. »

La veille, il avouait sa « lassitude de voir que je n’arrive pas à décoller ».

« Il est possible que ce que je lui ai proposé n’était pas bon »

L’encadrement des Bleus se gratte la tête. Certes, il y a le contrecoup d’une saison olympique et des sollicitations qui vont avec le statut de Français le plus titré de l’histoire aux JO, sans parler de sa vie de père de deux enfants. Mais la préparation estivale était jugée réussie. L’intéressé disait apprécier les nouveautés apportées dans l’entraînement physique par l’ancien fondeur Vincent Vittoz, qui a remplacé au printemps le maître d’œuvre des premiers succès de Fourcade, Stéphane Bouthiaux.

Vittoz souligne, chiffres à l’appui, que les autres Français skient plus vite qu’avant. Mais, concernant le patron, il est bien obligé de concéder que quelque chose cloche et qu’il peine à trouver une solution, lui qui vit sa première saison de biathlon. Vendredi, ébauche d’un mea culpa sur La Chaîne L’Equipe :

« C’est compliqué dans le sens où, pour moi, c’est une nouveauté. Je n’ai pas le recul des années fastes de Martin. Est-ce dû au fait que c’est une année post-olympique ? Ou à ce changement d’entraîneur qu’il n’a pas digéré ? Il est possible que ce que je lui ai proposé n’était pas bon. Il est compliqué, une fois que la saison se lance, de changer quelque chose. S’il y a eu un manque [d’entraînement] ou un trop plein pendant la période estivale, c’est difficile de le rectifier pendant la pause de Noël qui n’est pas assez longue [deux semaines et demie]. »

« Un peu trop à la recherche de son niveau physique »

Satisfait de son entraînement pendant les fêtes, convaincu de s’être régénéré, le Catalan pensait retrouver son niveau à skis lors des étapes allemandes d’Oberhof et Ruhpolding. Il n’en a rien été et Fourcade envisage désormais de ne pas se présenter lors d’une, ou davantage, des prochaines manches de Coupe du monde, avec un seul objectif en tête : « Le but, c’est d’arriver sur les Mondiaux avec la possibilité de me battre à mon niveau et de pouvoir faire la différence comme je sais le faire, et pas de subir 100 % des courses comme c’est le cas depuis le début de saison. » Les championnats du monde en Suède se dérouleront du 9 au 17 mars.

Entraîneur du tir de Martin Fourcade depuis ses débuts en Coupe du monde jusqu’à la fin de la saison 2016, Siegfried Mazet n’a jamais vécu des moments de doute prolongés chez celui qui était aussi un ami. Il aide désormais les rivaux norvégiens à viser juste, avec un certain succès concernant Johannes Boe, en nets progrès.

« Il a eu des semaines où il allait moins bien en fond mais compensait avec le tir, et la semaine d’après il carburait à nouveau », se souvient-il.

« Je pense qu’il est en quête de sensations. Il a beaucoup dit qu’il voulait retrouver son niveau physique de 2017, et il a un peu occulté le biathlete qu’il était. Il est un peu trop à la recherche de son niveau physique et comme il n’y arrive pas, ça l’effraie. Pourtant, il n’est pas le meilleur du moment mais c’est aussi Johannes (Boe) qui a beaucoup gagné en régularité. Il va 10 à 15 s plus vite [dans un format sprint de 7,5 km] et Martin 10 à 15 s moins vite que l’an dernier. Beaucoup de gens aimeraient avoir son niveau. »

Pas Martin Fourcade, et c’est bien ce qui l’ennuie.