Des membres du parti d’opposition du Congrès national rwandais manifestent contre l’assassinat de Patrick Karegeya, à Pretoria, le 9 janvier 2014. / ALEXANDER JOE / AFP

Le parquet sud-africain a établi que des « liens étroits » existaient entre les suspects de l’assassinat en 2013 de l’ex-chef des services secrets du Rwanda et le régime de Paul Kagame, selon une lettre rendue publique lundi 21 janvier par un juge. Patrick Karegeya, 53 ans, a été retrouvé étranglé le 1er janvier 2014 dans un hôtel de luxe de Johannesburg. Selon l’autopsie, sa mort remontait à la veille, le 31 décembre 2013.

Cet ancien proche du président rwandais Paul Kagame avait fui son pays en 2007, après être entré en dissidence. Personne n’a été jugé pour cet assassinat, mais la justice sud-africaine a été saisie pour lancer une enquête judiciaire, qui pourrait éventuellement déboucher sur un procès.

Dans une lettre explosive rendue publique lundi par le juge Mashiyane Mathopa, chargé du dossier, le directeur du ministère public sud-africain affirme que « des liens étroits existent entre les suspects et le gouvernement rwandais actuel ». « Il semble que tous les suspects rwandais ont quitté le pays [l’Afrique du Sud] en 2014 pour rentrer au Rwanda », ajoute le ministère public.

« Ingérence politique »

Au regard de cette lettre « d’une importance vitale, il est évident que le parquet [sud-africain] sait qui et où se trouvent les suspects », a ajouté le juge. « Justice différée est justice refusée », a-t-il estimé, ordonnant aux enquêteurs d’expliquer « dans les 14 jours (…) quelles ont été les décisions, si décisions il y a eu, pour arrêter les suspects rwandais. »

La semaine dernière, les avocats de la famille Karegeya avaient accusé le parquet de ne pas avoir, en cinq ans, engagé de poursuites contre les suspects. Ils avaient avancé une possible « ingérence politique », alors que les relations entre Pretoria et Kigali restent très compliquées.

La balle est désormais dans le camp de la police. Le juge décidera ensuite si l’enquête doit débuter ou si des poursuites judiciaires doivent être engagées contre les suspects. « Nous sommes très contents du jugement » rendu lundi, a dit à la presse l’un d’entre eux, Gerrie Nel. « J’ai plus d’espoir aujourd’hui parce que la pression que nous avons exercée a porté ses fruits (…). Nous espérons que la vérité va l’emporter », a déclaré pour sa part l’épouse de la victime, Leah Karegeya.

Kigali a toujours démenti toute implication dans cet assassinat. Patrick Karegeya figure parmi les personnalités les plus connues du régime rwandais qui ont été visées par des attaques. De « nombreux » autres anciens proches de Paul Kagame « ont été la cible d’attentats et de menaces au cours de ces dernières années, bien que le gouvernement nie systématiquement être impliqué », constate l’ONG Human Rights Watch.