Le logo du « vrai débat ».

A quelques heures du lancement annoncé de la grande plateforme en ligne du débat national voulue par le gouvernement, un groupe de « gilets jaunes » a annoncé le lancement d’une plateforme nationale concurrente. Présentée en direct sur le groupe Facebook d’une des figures du mouvement, Maxime « Fly Rider » Nicolle, la future interface aura pour but de « collecter les revendications ». Elle s’inspire d’expériences mises en place de manière plus localisée, à la Réunion puis en régions PACA et Midi-Pyrénées.

Ironiquement, cette plateforme appelée « Le vrai débat », qui devrait être en ligne en fin de semaine, se base sur la même technologie que celle du gouvernement, un outil conçu par la société Cap Collectif. C’est au cours d’une conférence sur le référendum d’initiative citoyenne (RIC) que Lydie Coulon, militante des « gilets jaunes » du Vaucluse, a pour la première fois entendu parler des « civic techs », ces outils numériques dédiés au débat démocratique. « Nous avons contacté Cap Collectif, qui a mis l’outil à notre disposition à condition que nous respections certaines règles [gouvernance ouverte, existence d’une modération des contributions…]. Nous avons alors mis en place une plateforme pour la région PACA, sur laquelle nous sommes quatre administrateurs. Tout le processus est ouvert, les étapes de la consultation sont détaillées, et nous avons déjà 1 200 personnes sur la boîte à idées », explique-t-elle. La mise en place d’une plateforme nationale semblait dès lors une évidence.

Pas d’opposition frontale

Cyril Lage, le PDG de Cap Collectif, réfute toute idée d’une concurrence entre la plateforme des « gilets jaunes » et celle du gouvernement. « Les “gilets jaunes” ont dit de toute façon qu’ils n’iront pas sur la plateforme du gouvernement », explique-t-il au Monde. « Ce sont juste les principes et les valeurs que j’applique depuis la création de l’entreprise. On est agnostiques, on est là pour accompagner tout le monde, les décideurs ou les collectifs. » L’entreprise a mis son logiciel à disposition gratuitement pour les « gilets jaunes », mais pas pour le gouvernement. « C’est parce qu’on a des clients qui payent qu’on peut payer nos salariés et mettre la plateforme gracieusement à disposition de collectifs et d’associations », détaille M. Lage, qui dit voir à titre personnel dans le mouvement des « gilets jaunes » « une chance que n’ont pas eue les Américains avec Trump ni les Anglais avec le Brexit ».

Au sein des « gilets jaunes », le grand débat voulu par Emmanuel Macron est très majoritairement perçu comme un tour de passe-passe. « Ne mettez pas en avant le grand débat comme une solution car vous y avez déjà mis tant de barrières que nous sommes étonnés que vous puissiez lui donner le terme de débat », écrivait par exemple ce 14 janvier un communiqué du groupe La France en colère.

Les militants et sympathisants qui travaillent sur la plateforme du « vrai débat » expliquent toutefois ne pas vouloir se mettre en opposition frontale avec la consultation gouvernementale. « Nous, nous parlons du “vrai débat” », précise Lydie Coulon, « parce que nous ne voulons pas nous mettre en opposition avec les pro-Macron qui ont des choses à dire. Mais nous nous positionnons en dehors du grand débat. Chez nous, tous les outils et process sont transparents et légitimes. Les données seront partagées, tout le monde pourra s’en saisir. Sur la plateforme du gouvernement, c’est le gouvernement qui sera propriétaire des données. » Contrairement à d’autres logiciels concurrents, le code de la plateforme de Cap Collectif n’est en revanche pas ouvert.

Besoin de créer des outils « maison »

Au sein du mouvement des « gilets jaunes », la méfiance est grande concernant les risques de collectes de données par le gouvernement. Depuis plusieurs semaines, cette méfiance touche également Facebook, outil très utilisé par les « gilets jaunes » mais très peu protecteur de la vie privée – conduisant certains groupes de militants à vouloir créer leurs propres outils.

Ce vendredi, un groupe de « gilets jaunes » a lancé une application pour smartphones, elle aussi mise en avant par Maxime Nicolle, visant à faciliter l’organisation des déplacements de militants ou encore à effectuer des comptages des manifestants en se « signalant » directement dans l’application. Des militants avaient, peu après son lancement, fait part de leur méfiance quant au fait que l’application collectait la géolocalisation de l’utilisateur.

Ce 21 janvier, ses développeurs ont annoncé que l’application ne collecterait plus la géolocalisation, mais permettrait aux utilisateurs de renseigner eux-mêmes un code postal. Et que le code informatique de l’application allait être rendu open source et publié, ce qui permettrait à toute personne connaissant l’informatique de vérifier qu’elle n’espionne pas ses utilisateurs.

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