C’est au Théâtre de la Ville que Christophe Girard, nouvel adjoint à la ­culture de la Mairie de Paris, devait présenter, lundi 21 janvier, ses vœux et ses projets. Le choix du lieu n’est pas anodin : cette institution théâtrale, fermée pour travaux depuis septembre 2016, accueillera à partir du 24 janvier le spectacle démesuré et sulfureux, baptisé « DAU ». « Ce n’est pas un acte neutre, mais je voulais le ­défendre. L’audace et la prise de risque, c’est ma marque de fabrique », revendique-t-il.

Après la démission fracassante, en septembre 2018, de Bruno ­Julliard, ex-adjoint à la culture d’Anne Hidalgo, il n’a pas fallu vingt-quatre heures pour que l’ancien directeur de la stratégie mode du groupe LVMH et maire du IVe arrondissement accepte de lui succéder. Christophe Girard connaît bien ce poste, qu’il a occupé pendant douze ans (2001-2012) auprès de l’ancien maire socialiste Bertrand Delanoë. « La vérité, c’est qu’Anne Hidalgo mais aussi Bruno Julliard me consultaient régulièrement, notamment sur les nominations. Je n’étais pas sorti du jeu, confie-t-il. J’ai accepté tout de suite de revenir, car la ­culture ne peut pas souffrir d’une vacance, et ce secteur avait besoin d’un interlocuteur. »

Christophe Girard se targue d’avoir, dès son arrivée, « débloqué » deux dossiers : trouver un lieu pour l’encombrant « Bouquet de tulipes » de Jeff Koons – la sculpture sera installée cet été à proximité du Petit Palais, sous réserve d’un financement largement constitué de mécénat privé – et accueillir le projet artistique DAU, annulé à Berlin. « J’ai convaincu Anne Hidalgo et obtenu gain de cause pour l’ouverture au public des Théâtres de la Ville et du Châtelet », se réjouit-t-il.

« Embellir Paris »

Créateur en 2002 du concept de la Nuit blanche, l’adjoint à la culture a confirmé que l’édition 2019 de cette manifestation, dirigée par Didier Fusillier, investira, pour la première fois, samedi 5 octobre, une portion du périphérique (entre la porte de Pantin et celle de La Chapelle) et prendra des airs de parade. « Des œuvres de plasticiens, comme Buren, se mettront en mouvement », explique Christophe Girard, qui entend, le temps d’une nuit, « effacer cette saignée qu’est le périphérique ».

Pour « embellir Paris » et notamment « ses quartiers délaissés », il mise sur le développement de « l’art dans l’espace public » en diffusant la collection du Fonds parisien d’art contemporain hors de ses murs (écoles, mairies, etc.) et en installant cet été dans vingt sites des œuvres d’artistes, de collectifs ou d’étudiants.

En outre, le « cœur monumental » de Joana Vasconcelos sera inauguré le 14 février porte de Clignancourt et, en mars, la sculpture Lutteurs corps à corps, de l’artiste sénégalais Ousmane Sow (mort en 2016), retrouvera le pont des Arts, vingt ans après l’exposition qui avait attiré plus de 3 millions de personnes. Enfin, l’œuvre Mon repos, le camion de Claude Lévêque, qui appartient à la Mairie de Paris sera exposé, en cours d’année, dans un cimetière.

3 000 places supplémentaires devraient être créées dans les conservatoires d’ici à 2020

Déjà engagé par son prédécesseur, le chantier du développement de l’éducation artistique dans les quartiers populaires devrait se poursuivre, notamment à travers la « généralisation de résidences d’artistes dans les collèges » et la création de 3 000 places supplémentaires dans les conservatoires d’ici à 2020.

De leur côté, les grands établissements sont appelés à mettre en place un « fonds commun » afin d’« éviter une déperdition. Les actions culturelles dans ces quartiers ne doivent pas être seulement des “coups” mais s’inscrire dans la durée », insiste-t-il. Avec Patrick Bloch, adjoint à l’éducation, il soutiendra l’installation de la Pré-maîtrise de l’Opéra-Comique (pour trente élèves de CM1 et CM2) dans une école d’un quartier populaire ainsi que le projet de philharmonie des enfants proposé par Laurent Bayle, directeur général de la Cité de la musique-Philharmonie de Paris.

« Réinventer les théâtres »

Toujours au nom de « l’audace et la prise de risque », Christophe Girard souhaite « réinventer les théâtres » en « impulsant un nouveau modèle de collaboration entre les établissements privés et publics » à travers, par exemple, « des coproductions et des partages d’espaces pour les répétitions ».

Pour marquer son retour aux affaires, en assumant de ne pas forcément se situer dans le « ludique et festif », l’adjoint lancera au printemps un « nouvel événement » intitulé Paris’écrit. Le temps d’une journée, les Parisiens seront incités à envoyer un courrier manuscrit à la personne de leur choix. « A l’heure ou le Web et les réseaux sociaux, sur lesquels on s’adresse à la cantonade, rendent fous, je souhaite recréer du lien, redonner le goût et l’envie d’écrire », développe Christophe Girard.

Olivier Chaudenson, directeur de la Maison de la poésie, et ­Sophia Hocini, de la Zone d’expression prioritaire (ZEP), seront les directeurs artistiques de cette opération à laquelle seront associées les écoles et la BNF. « Je rêve, dit Christophe Girard, qu’au moins cinquante mille personnes prennent la plume. »