Ciné+ club, lundi 21 janvier à 20 h 50, film

Dans la catégorie stars improbables du ­cinéma français, le système de santé s’est tranquillement imposé, de Médecin de campagne à Réparer les ­vivants en passant par La Fille de Brest. Comme son titre l’indique, Patients, premier film cosigné par Grand Corps Malade et Mehdi Idir, offre un contrechamp bienvenu aux films précédents. Les soignants, leur science et leurs technologies passent au second plan pour laisser la place à ceux sans qui il n’y aurait pas de médecine : les malades.

Largement autobiographique (le film est tiré du récit éponyme, que Grand Corps Malade a signé, en 2015, chez Don Quichotte), ­Patients s’étire sur plusieurs saisons dans le confinement d’un centre de rééducation.

Une attention extrême accordée à l’agencement des personnages tel que le génère la vie en hôpital

Très simplement, en égrenant les incidents, ces cinéastes débutants parviennent à mettre en scène l’ennui, l’effort, le découragement, les victoires – définitives ou éphémères – d’une poignée de jeunes gens gravement traumatisés. Sans éprouver la patience du spectateur, ils évoquent la souffrance physique, l’inconfort, l’ennui, la routine – la vie d’un patient hospitalisé. Ben (Pablo Pauly), l’alter ego de Grand Corps Malade, arrive à peine conscient dans ce centre de rééducation après qu’un plongeon imprudent dans une piscine à moitié pleine l’a laissé « tétraplégique incomplet ».

Pour dire la paralysie, la conscience incomplète, le film emprunte les clignements de caméra à Julian Schnabel (Le Scaphandre et le Papillon), mais ce petit larcin coule de source chez des cinéastes pétris de culture hip-hop et donc d’échantillonnage. L’important est ailleurs, dans l’attention extrême accordée à l’agencement des personnages tel que le génère la vie en hôpital.

Un sens aigu de la satire

Ces garçons n’auraient peut-être pas été amis. Ben l’athlète, ­Farid (Soufiane Guerrab), hémiplégique dès son plus jeune âge, Toussaint (Moussa Mansaly), dont la vie s’est écroulée au moment où il était enfin parvenu à la construire, Steve (Franck Falise), qui n’arrive pas à l’âge adulte, ne sont réunis que par le sort – et le système de soins français. Ils tentent de reconstituer la hiérarchie ordinaire d’un groupe de jeunes mâles, mais leurs corps infidèles les en empêchent. Tout comme ils empêcheront l’idylle entre Ben et Samia (Nailia Harzoune, récemment vue dans Chouf).

Grand Corps Malad prend pourtant garde de faire de son film une « leçon de courage », un vade-mecum de l’hospitalisé

Privés d’une bonne partie des instruments qui permettent à un acteur de s’exprimer, les comédiens parviennent, sans même donner l’impression d’essayer, à construire des personnages qui aspirent à la banalité de leur âge, que la souffrance force à vieillir. Le personnel soignant est traité avec un sens aigu de la satire. Il n’est pas besoin d’avoir séjourné longtemps à l’hôpital pour reconnaître l’aide-soignante ­mala­droite (Anne Benoît) ou son collègue à l’enthousiasme vite insupportable (Alban Ivanov), ou encore la médecin-chef pète-sec, mais compréhensive (Dominique Blanc, qui se fait ces temps-ci une spécialité des rôles d’autorité).

Comme le prouve l’existence même de ce film, l’histoire de Grand Corps Malade ne s’est pas trop mal terminée. Il prend pourtant garde de faire de son film une « leçon de courage », un vade-mecum de l’hospitalisé. S’il est un enseignement à tirer de Patients, c’est la fragilité du corps, l’ingéniosité et l’énergie qu’il faut pour le remettre en état de marche, sans que jamais le succès soit garanti.

PATIENTS - Bande-annonce officielle
Durée : 02:20

Patients, de Grand Corps Malade (Fabien Marsaud) et Mehdi Idir. Avec Pablo Pauly, Soufiane Guerrab (Fr, 2016, 105 min). www.mycanal.fr/cinema/patients