L’avis du « Monde » – à voir

Quarante ans après sa sortie au Japon, en décembre 1979, le premier long-métrage d’Hayao Miyazaki (Mon voisin Totoro, Princesse Mononoké), maître du cinéma d’animation et cofondateur du Studio Ghibli, arrive enfin dans les salles françaises. Déjà édité pour le marché vidéo, le film vaut le détour pour son savoureux mélange des genres (comédie policière et aventures) et son exploitation ingénieuse des ressources de l’animation de l’époque. Il vaut surtout en tant que pièce stratégique dans la carrière de Miyazaki avant Ghibli et permet d’observer, comme dans un rétroviseur, la naissance de sa patte inimitable, d’autant plus reconnaissable qu’il œuvrait ici dans un univers de commande qui n’était pas le sien.

A l’origine du Château de Cagliostro, il y a une bande dessinée du mangaka Monkey Punch (Kazuhiko Kato de son vrai nom), Lupin III, démarrée en 1967 et conçue comme une actualisation pop du personnage d’Arsène Lupin, créé par Maurice Leblanc. Dès 1971, celle-ci fut adaptée pour la télévision en une série animée (diffusée en France, dans les années 1980, sous le titre Edgar, le détective cambrioleur), dont le succès populaire entraînera une foule de déclinaisons. Miyazaki, qui avait fait ses débuts d’animateur sur ce type de séries, passe au grand écran en héritant d’une charte de personnages livrés clés en main.

Sur la piste d’un faux-monnayeur, Lupin et son compère, ­Jigen, débarquent dans la principauté de Cagliostro, sorte de ­paradis fiscal sur lequel règne le comte du même nom, un usurpateur et tyran qu’ils soupçonnent d’être ­­­à la tête du trafic. Sur leur chemin, ils croisent une adolescente, ­Clarisse, poursuivie par une troupe de sbires. C’est avec elle que le comte doit célébrer, le lendemain, des noces princières. Pour délivrer la jeune fille et remonter la filière des faux billets, Lupin et son complice s’infiltrent dans le château du comte.

Simple, précis, ébouriffant

En ramenant la série aux sources feuilletonesques des romans de Maurice Leblanc (clin d’œil évident à La Comtesse de Cagliostro, 1924), dans le décor d’une Europe fantaisiste et exotique, Le Château de Cagliostro réalise une sorte de divertissement idéal, mené tambour battant, scintillant d’un humour irrésistible et d’une mélancolie latente.

Miyazaki détourne l’univers de Monkey Punch au profit d’une poésie personnelle : simplicité du trait, précision des décors, sens ébouriffant du détail, contemplation de la nature, dynamique gestuelle et fascination pour les machines volantes. Entre courses-poursuites endiablées et exploration d’un château labyrinthique semé de pièges et de chausse-trapes, Miyazaki déploie sa mise en scène dans l’espace, suscitant des sensations de hauteur et de profondeur époustouflantes. Un défi permanent aux lois de la gravité.

Le principal décor est l’un de ces châteaux mobiles et mécanisés qui rejailliront dans l’œuvre de Miyazaki (Le Château dans le ciel, Le Château ambulant). Avec ses souterrains, ses passages dérobés, ses tours démesurées et ses salles cachées, celui-ci, inspiré par Le Roi et l’oiseau (1952), du Français Paul Grimault, est une métaphore de l’aventure, voire de l’animation, selon Miyazaki : l’alliance de la machinerie et du vivant, dont la nature profonde réside dans sa capacité à se transformer.

LE CHÂTEAU DE CAGLIOSTRO d'Hayao Miyazaki [BANDE-ANNONCE VOST]
Durée : 01:08

Film d’animation d’Hayao Miyazaki (1 h 40). Sur le Web : www.splendor-films.com/items/item/580